Samedi 28 mars 2020. J260. Snagov, Roumanie. Il fait beau. C’est le printemps. Nous ne pouvons pas bouger. Que faire ? Un grand ménage de printemps ! Ho mais pas trop vite tout de même, il faut en garder pour les jours à venir.
Aujourd’hui nous commençons par les lits des filles. On lave les draps, on tire des fils à linge, on aére couettes et matelas,… Quand Gaël sort de chez lui ce matin, c’est un camp de réfugiés qu’il découvre dans sa cour intérieure.
Et puis il n’y a plus qu’à attendre que ça sèche. La journée de travail est terminée, Gaël allume le barbecue. Nous déjeunons pour la première fois avec nos hôtes. Laura, qui ne télétravaille pas aujourd’hui, peut passer du temps avec nous. Nous nous attablons dehors, au soleil, pour partager quelques spécialités roumaines, mici et autres saucisses. Trop dure la vie de confiné.
Pendant que nous papotons tant et tant, les filles jouent aux jardin. Elles sont bien ici, elles peuvent se dépenser, ont plein de jeux extérieurs. Après le trampoline, Gaël initie Lison au badminton qu’il installera sur la pelouse. Elle se passionne pour tout ce qui lui permet de se défouler.
Dimanche 29 mars 2020. J261. Ça y est, le rythme est pris. Lessive du matin, nettoyage, et puis déjeuner en terrasse avec nos hôtes. Ce matin, on s’attaque au lit de la capucine. Nous avions eu des problèmes d’humidité et de moisissures, c’est l’occasion de sortir le matelas dehors, de nettoyer, et de laisser sécher au soleil pendant que nous prenons l’apéro. Encore une dure journée.
Lundi 30 mars 2020. J262. C’est au tour de la salle de bain de bénéficier d’un grand nettoyage ce matin. Et puis ça suffira pour la journée, il faut en garder pour les jours qui viennent. Nous nous essayons à faire notre pain nous même, dans mon petit moule-four. Le premier essai n’est pas concluant, ça n’a pas levé. Mais c’est pas grave, on réessayera demain, après demain et après après demain,… On a le temps. Pour l’instant, c’est déjeuner au soleil sur la terrasse avec nos amis. Laura a repris le télétravail aujourd’hui, elle est la seule à se soucier des horaires, la pauvre. Nous, nous n’avons pas vu passer l’heure d’été hier et sommes toujours décalés d’une heure.
Du côté des enfants, ça joue inlassablement. Le matin, chacun est chez soi et nous faisons tranquillement l’école. Cet après-midi, c’est atelier peinture et puzzle sur la terrasse. Moi, j’ai suffisamment de croquis à coloriser pour tenir le mois entier.
Un appel d’ami ce soir, ma filleule de 5 ans fait une grosse fièvre. Diagnostiquée coronavirus probable. Pendant que nous passons du bon temps, insouciants, cette saleté est bien là et fait souffrir même les petits.
Mardi 31 mars 2020. J263. Gaël nous avait prévenu, nous avons perdu 20°C ce matin par rapport à hier. Il fait 0°C dehors et de petits flocons turbulents volettent autour du camping car. Le programme ne sera donc pas compliqué aujourd’hui : journée pyjama. Rester à cinq dans huit mètres carrés, même pas peur. Grasse-mat pour Pierre qui prend tout son soûl de sommeil. Puis nous prenons le temps de faire l’école, je m’attelle à quelques réparations de pantalons, nous faisons notre pain quotidien, et puis c’est l’heure de la sieste, quand même, il ne faudrait pas s’en priver.
La nuit dernière, Pierre a étudié l’histoire de la révolution roumaine de 1989 et nous la raconte. Pendant tout le repas, nous tenterons de répondre aux questions des filles intriguées par l’histoire de ce nouveau pays.
Aujourd’hui, nos amis des Vert Vanlife sont sortis du champ où ils étaient confinés depuis 14 jours en Bulgarie. Ils ont attendu que la police vienne leur donner le feu vert. Rien. Avec l’aval de l’ambassade, ils se sont carapatés dans les montagnes du Grand Balkan. Ils sont libres désormais et vont poursuivre discrètement leur vie nomade le long de la vallée des Thraces jusqu’à la mer noire. Je me souviens de ce jour où nous étions à 30 minutes d’eux et où nous avions le choix : aller les rejoindre et risquer d’être mis en quatorzaine, ou passer en Roumanie et être libres pour encore quelques temps. Avec difficulté, nous avions choisi la Roumanie. Les Vert Vanlife avaient été mis en quarantaine le lendemain. Il y a des moments dans la vie où deux chemins s’ouvrent, et nous n’avions pas beaucoup de cartes en main pour prendre notre décision. Est-on réellement libres de nos décisions ? Est-on réellement maître de notre chemin ? Le monde a évolué dans un sens qui nous est désormais parfaitement insaisissable, et nous ne pouvons que nous y adapter, avec nos petits moyens et notre méconnaissance totale de ce qui va se passer demain. Leçon d’humilité.
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