Vendredi 3 juillet 2020. Réveil au soleil et préparation rapide. À 9h nous démarrons les camions pour aller en ville. “Il est si tôt ?”. Incroyable. Un parking bien situé, un horodateur qui ne marche pas. Rien à payer. Nous commençons notre journée par visiter la République d’Užupis. La quoi ? Quelle étrange histoire…
La République d’Užupis
Réfugiée dans une boucle de la rivière Vilnia, c’est l’une des plus vieilles “banlieues” de Vilnius. Ce fut longtemps un fief d’artisans, surtout de tisserands car l’on pouvait y installer des moulins à eau. Village totalement négligé pendant l’ère soviétique, les conditions de vie s’y sont dégradées, et derrière d’anciens palais, les familles devaient se partager le seul robinet de la cour.
Une convivialité de voisinage est née, qui n’a pas échappé, après l’indépendance, aux artistes et aux marginaux qui trouvèrent ici de petits loyers et de bonnes vibrations pour alimenter leur créativité. Plus tard, des bobos argentés y saisirent l’occasion d’acheter des maisons à bas prix pour les rénover et s’y installer. Et puis il y a eu ce 1er avril 2000, où une poignée d’habitants décidèrent de fonder la République d’Užupis et de se séparer de Vilnius. Une constitution fut édictée.
Le premier article donne le ton. “L’Homme a le droit de vivre près de la petite rivière Vilnalé et la Vilnalé a le droit de couler près de l’homme”. Puis l’on déclare que les gens ont le droit de faire des erreurs. D’aimer. De ne pas être aimé mais ce n’est pas une obligation. D’être paresseux. De partager ce qu’ils ont. Mais qu’ils n’ont pas le droit de partager ce qu’ils n’ont pas. L’Homme a le droit de douter, mais ce n’est pas obligé. L’Homme a le droit de comprendre. L’Homme a le droit de ne rien comprendre du tout. L’Homme a le droit d’être heureux. Il a le droit d’apprécier sa petitesse et sa grandeur. La démocratie par le rire. L’union par la dérision.
La Constitution d’Užupis
1. L’Homme a le droit de vivre près de la petite rivière Vilnia et la Vilnia a le droit de couler près de l’Homme
2. L’Homme a le droit à l’eau chaude, au chauffage durant les mois d’hiver et à un toit de tuile
3. L’Homme a le droit de mourir, mais ce n’est pas un devoir
4. L’Homme a le droit de faire des erreurs
5. L’Homme a le droit d’être unique
6. L’Homme a le droit d’aimer
7. L’Homme a le droit de ne pas être aimé, mais pas nécessairement
8. L’Homme a le droit d’être ni remarquable ni célèbre
9. L’Homme a le droit de paresser ou de ne rien faire du tout
10. L’Homme a le droit d’aimer le chat et de le protéger
11. L’Homme a le droit de prendre soin du chien jusqu’à ce que la mort les sépare
12. Le chien a le droit d’être chien
13. Le chat a le droit de ne pas aimer son maitre mais doit le soutenir dans les moments difficiles
14. L’Homme a le droit, parfois de ne pas savoir qu’il a des devoirs
15. L’Homme a le droit de douter, mais ce n’est pas obligé
16. L’Homme a le droit d’être heureux
17. L’Homme a le droit d’être malheureux
18. L’Homme a le droit de se taire
19. L’Homme a le droit de croire
20. L’Homme n’a pas le droit d’être violent
21. L’Homme a le droit d’apprécier sa propre petitesse et sa grandeur
22. L’Homme n’a pas le droit d’avoir des vues sur l’éternité
23. L’Homme a le droit de comprendre
24. L’Homme a le droit de ne rien comprendre du tout
25. L’Homme a le droit d’être d’une nationalité différente
26. L’Homme a le droit de fêter ou de ne pas fêter son anniversaire
27. L’Homme devrait se souvenir de son nom
28. L’Homme peut partager ce qu’il possède
29. L’Homme ne peut pas partager ce qu’il ne possède pas
30. L’Homme a le droit d’avoir des frères, des sœurs et des parents
31. L’Homme peut être indépendant
32. L’Homme est responsable de sa Liberté
33. L’Homme a le droit de pleurer
34. L’Homme a le droit d’être incompris
35. L’Homme n’a pas le droit d’en rendre un autre coupable
36. L’Homme a le droit d’être un individu
37. L’Homme a le droit de n’avoir aucun droit
38. L’Homme a le droit de ne pas avoir peur
39. Ne conquiers pas
40. Ne te protège pas
41. N’abandonne jamais
Gediminas, grand duc fondateur
Mais il est à peine dix heures et le quartier est encore bien endormi. Aucune boutique, aucune galerie d’art n’est encore ouverte. Nous quittons la République d’Užupis rapidement pour entrer dans le centre historique de Vilnius. Un arrêt devant la très belle église Sainte Anne à la façade toute en briques. Gothique et briques rouges. Fermée. Un arrêt autre devant la cathédrale. Un tout autre style, on dirait un temple grec. Quelle idée d’avoir choisi une telle architecture.
À la lecture de son histoire, la Cathédrale a été détruite et reconstruite entièrement où partiellement près d’une dizaine de fois. Plus loin, les restes du château de Gediminas, une tour et une forteresse rénovée au sommet d’un petit promontoire. Montons. Panorama. La tour de Gediminas est la seule partie restante du château de Vilnius. Gediminas, duc du Grand-duché de Lituanie, fonde Vilnius et en fait, en 1323, la capitale du pays. Les premières fortifications furent construites en bois et le château fut achevée plus tard, en 1409, par Vytautas le Grand. Durant son règne, Gediminas fait de son pays un État très puissant. Il annexe le duché de Loutsk, fonde la ville de Białystok (aujourd’hui en Pologne) et obtient une première victoire sur les Chevaliers teutoniques. Il commence également des négociations avec la papauté d’Avignon pour une conversion de la Lituanie au christianisme.
À son âge d’or, au tournant du XV ème siècle, le grand-duché de Lituanie s’étendait des côtes de la mer Baltique aux rives de la mer Noire. Ses dimensions faisaient de lui l’un des État les plus vastes de l’Europe à son époque. Sa particularité résidait dans sa forme politique, une grande fédération médiévale, un État pluriethnique regroupant des polonais et des ruthènes, où les minorités étaient respectées et où chaque territoire était doté d’une grande autonomie. Les statuts de la Lituanie de l’époque peuvent être considérés comme la première constitution de l’Europe.
La voie Balte, expression de la démocratie directe
À l’intérieur de la tour, une exposition sur l’histoire de la ville et notamment sur l’épisode de la voie Balte, cette chaîne humaine allant de Vilnius en Lituanie à Tallinn en Estonie, en passant par Riga en Lettonie. Le 23 août 1989, 2 millions de personnes, soit un tiers de la population, se sont donnés la main sur 687 km de distance pour demander l’indépendance des pays Baltes alors sous domination soviétique depuis leur annexion illégale par l’URSS en juin 1940.
La visite du château de Gediminas se termine par un concert, musique classique et traditionnelle, que nous prenons plaisir à écouter alors que midi est déjà largement dépassé. Notre arrêt restaurant sera très attendu des enfants, nous choisirons précisément un établissement proposant des plats traditionnels pour terminer en beauté notre visite culturelle.
Une heure de route. Un chemin de terre s’enfonce dans une forêt. Au bout, il paraît qu’il y a un spot sympa, près du lac de Siesartis. Mais d’abord, il faut arriver à passer, les branches sont basses, la capucine les pousse. Jusqu’à qu’il y ait un arbre, un arbre en travers du chemin, pas complètement tombé, juste penché. Ça passe ? Nous avançons doucement. Il faut que ça passe sinon nous allons devoir refaire tout le chemin en marche arrière. Je sors pour guider Pierre, oui, ça peut passer. Le chauffeur s’y reprend à deux fois, et y arrive. Ouf. Mais nous n’irons pas plus loin.
Oui, l’endroit est très sympathique. D’ailleurs, il est visiblement très apprécié des lituaniens qui sont venus s’installer ici par dizaines. Nous sommes vendredi. Le week-end au bord du lac s’annonce drôlement sympa. Nous trouvons à nous installer sur le dernier emplacement libre, nous avons de la chance. Demain, nous essaierons le paddle sur le lac.
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