Jeudi 12 mars 2020. J245. Sofia. « Maman, c’est bizarre ? » lance Lison à travers son rideau, « Est-ce qu’on va faire mon anniversaire comme d’habitude ? » Lison est réveillée depuis longtemps et se garde bien de sortir de son antre pour ne pas découvrir trop tôt sa surprise. Mais ce matin, nous dormons tous, fatigués de la journée d’hier. Lison n’en peut plus d’attendre son traditionnel fromage d’anniversaire au réveil. Avec courage je me lève, Capucine allume les bougies et la chansonnette peut commencer. Lison est rayonnante de joie et de fierté. Dans la jolie carte d’anniversaire écrite en bulgare est annoncé le programme. Une expédition spéléologie à Lakatnik avec Ogy demain, puis deux autres grottes à explorer ensemble les jours à venir, Prohodna et Devetaska. Celles-ci étaient au programme depuis longtemps, c’est le hasard qui les met sur notre itinéraire ces jours-ci. Trois grottes pour cadeau d’anniversaire, notre aventurière est aux anges. Rajoutez un casse-tête et un pull jaune vif, Lison est solaire.
Corvées et pansements
Mais l’expédition est programmée pour demain et aujourd’hui, plusieurs corvées nous attendent… Nous n’avons plus de lait, nous devons faire le plein de gaz et traverser toute la capitale pour dégoter la seule boutique de véhicules de loisirs de tout le pays car il y a quelques jours, nous avons réussi à perdre… le bouchon du réservoir d’eau, que nous avions du mal fermer en quittant Thessalonique. La pouasse. Au Lidl, il n’y a pas grand monde mais les rayons sont pleins. Chez le vendeur de gaz, la trappe du placard à gaz se décroche et retombe violemment sur le crâne de Pierre. Plaie ouverte, il saigne beaucoup. Compresses. Désinfection. Ça passe. Re-pouasse. Pierre va bien, mais il ne peut momentanément plus conduire et c’est donc à moi que revient la tâche de traverser la capitale à la recherche d’un bouchon de réservoir d’eau. Moi qui ne conduis presque jamais le camping-car… Pouasse royale. Allez, courage. La conduite à Sofia, c’est de larges et longs boulevards tout droit. Ça va. Et la stature imposante d’un camping car fait peur aux autres véhicules qui te laissent passer facilement. En fait, ça va. Bouchon trouvé, j’en profite pour racheter la pièce défaillante qui a causé la fermeture violente de cette trappe. Nous pouvons cette fois-ci partir vers les grottes, à une heure au nord de Sofia, et retraverser la ville dans toute sa longueur…
Petrenski Dol
Vu l’heure avancée, nous nous arrêtons pique-niquer aux jeux d’enfants d’un petit village périphérique assez délabré. Plusieurs mamans et enfants jouent aussi. Il fait très beau et chaud. Encore un peu de route, nous arrivons au spot que Ogy nous a recommandé, à côté d’une rivière, au départ d’une randonnée qui monte dans la montagne. Nous enfilons nos baskets et grimpons le long du petit sentier. Ha une rivière ! Ha une forêt ! Ha une parois rocheuse ! Ha, une grotte ! Petite celle-là, les filles l’explorent rapidement et nous poursuivons notre chemin jusqu’au… goûter.
Séparation. Les grogneuses veulent rentrer à la maison. Les aventurières veulent continuer.
Cours d’aventurière
Lison veut continuer le chemin qui remonte la rivière, elle part donc avec Pierre. Je lui laisse la plume pour raconter la suite.
Coup d’oeil sur la montre, il reste 1h15 avant la tombée de la nuit, la gorge est belle, je vais tenter de trouver la boucle pour retourner au camping-car, mais pas la vraie, cela prendrait trop de temps. Nous entamons un chemin ascendant pour retourner en arrière par le même versant sans faire le trajet inverse. La montée est longue, les bois éclairés de la fin du jour sont magnifiques, quelques points de vue se dégagent. Lison commence à trouver la pente raide et s’inquiète de ne jamais redescendre vers le camping-car. Je ne suis pas certain du bon chemin, je me guide selon les éléments topographiques, mais j’essaie de rassurer Lison du mieux possible.
Technique numéro 1 : détourner l’attention. « Hé regarde, on voit maman en bas sur le pont ! » ou « J’essaie de trouver à quoi ressemblent les arbres : un cerf ou un lapin avec un bec. » Bon cela ne fonctionne pas tout le long d’une balade.
Technique numéro 2 : jouer sur la corde sensible de son enfant. « Lison, c’est ça être aventurière. Cela te ferait plaisir un cours d’aventurière pour ton anniversaire ? ». Engouement général : « Ouéééé !!! ». La fatigue passe au second plan, Lison écoute attentivement mes observations.
Il faut trouver un chemin qui redescend à droite, toujours sur le bon versant de la montagne. Ici, nous ne pouvons pas nous y engager car nous arriverions sur le haut des falaises infranchissables. Nous continuons, le chemin se transforme en passage d’animaux,nous suivons la crête, puis nous plongeons dans le raidillon en suivant les « traces ». Là nous sommes carrément en hors-piste. « Si tu as le pantalon sale, tu diras que c’est de ma faute. – Non papa, je suis une aventurière, ce sera à cause de moi le pantalon sale. » Je lui explique que les traces doivent être celles des animaux qui ont forcément besoin de descendre à la rivière pour boire, elle doivent donc éviter les falaises.
Lison sera complètement rassurée quand elle verra un déchet, une étiquette de bouteille plastique. « Tu vois Lison, il y a même des êtres humains qui sont passés par là. – Ha oui, même si quelqu’un est déjà passé, c’est quand même comme si c’était nous qui avions exploré et découvert le passage ».
Je lui explique qu’à présent nous cherchons à nous diriger vers les grands pins que nous avions traversé en début de randonnée, au départ du camping-car, car dessous il y a au moins deux passages que j’avais repérés. Enfin en vue, Lison fait un petit bond pour retomber sur le chemin initial. Puis elle reconnait l’arbre en travers sur lequel elle s’était assise à l’aller.
Son visage s’éclaire de fierté, « Papa, ça y est, nous y sommes arrivés ! ».
Pendant ce temps, Maman fait un gâteau d’anniversaire, un vrai et nous soufflons les quelques bougies qu’il nous restent. Ce soir, Lison perd une nouvelle dent, une nouvelle raison d’être fierté.
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