Jeudi 23 janvier 2020. J207. « Maman, je vois la mer ! ». C’est Solène qui ouvre le rideau de sa petite fenêtre en premier ce matin. La mer et le ciel sont roses. Les levers de soleil sont tous les jours magnifiques en Croatie.
Mais ce matin, il ne faut regarder que l’horizon. Car à terre, ce petit parking est écœurant. Des déchets, du plastique, des vieux meubles, des préservatifs… Même la plage est faite de graviers rapportés et de gravats. Nous faisons l’école et ne tardons pas à déguerpir.
Direction Omiš. Hier, Capucine a montré un peu de lassitude à l’annonce de la visite d’une nouvelle ville. Pour rallumer la motivation, je trouve une mission imparable : trouver la géocache de la ville. Et ça marche ! Les géocaches sont des petits trésors cachés partout dans le monde et référencés dans une application. Le créateur de cette cache-ci explique l’intérêt de ce lieu. Peovica est une forteresse romane construite au 13ème siècle au-dessus de la ville d’Omiš. C’était une cachette fiable pour les pirates d’Omiš qui se retiraient dans la sécurité des gorges de Cetina non loin de là. La légende raconte qu’en 1537, lors d’une attaque des Turcs, les défenseurs d’Omiš ont tellement confondu les assaillants avec leurs cris et leurs coups de feu que les Turcs ont surestimé le nombre de défenseurs et se sont enfuis. Téléphone dans les mains, Capucine étudie le plan, la photo indice, et nous partons à l’abordage de cette forteresse.
La forteresse inaccessible
Le centre ville est pittoresque, bien rénové et absolument paisible. Pas un commerce ouvert à cette saison. Mais des travaux, des travaux partout. Nous nous faufilons dans les ruelles et trouvons vite les marches qui nous mènent au château. Nous grimpons jusqu’à… une grille. Fermé en hiver. Impossible d’aller plus haut. Mince. Mais Capucine a une intuition. Elle observe de plus près la photo indice et reconnaît le lieu, c’est bien ici, derrière ce palmier, certainement dans ce trou de la falaise. Elle grimpe, farfouille et trouve. Une petite boîte en plastique. Un calepin pour noter son nom. Et un drôle d’objet, une tête de mort accrochée à une petite plaque métallique. Un objet voyageur ? La plaque est à l’effigie de l’application Géocache et affiche un code. Nous entrons le code dans la machine, oui, c’est bien un objet voyageur qui a pour mission de… Voyager ! Ça tombe bien, avec nous, il pourra voyager encore un moment. Nous signifions dans l’application que nous le prenons, et le fourrons dans une poche. Parés à virer ! Les gars faut déhaler ! On se reposera quand on arrivera dans le port de Tacoma.
Assaut de la plage
Cinq minutes plus tard, ouf, trop dur, notre frégate arrive sur la plage. À l’heure du pique-nique. Quoi de mieux ? Pieds nus, un sandwich à la main, les filles sont heureuses. Et nous aussi. Il faut dire qu’il fait un bon vingt degrés, le fond de l’air est frais mais le soleil est radieux. Un peu plus loin sur la plage, une belle terrasse de café s’étale au soleil. Elle est bien fréquentée, les gens d’ici s’y délectent sans se faire prier. Et nous n’avons qu’une envie, c’est de les rejoindre pour le café.
Voilà l’essentiel de notre journée. Un petit tour culturel et un long moment de détente au soleil. Trop dur le voyage… Avec Pierre, on repense à tous ces gens qui nous ont dit « Vous en avez du courage !… partir un an, en camping car, avec les enfants en plus… C’est génial, mais quand même, il en faut du courage… ». En fait, les pirates, c’est nous. Trop dure la vie en galère…
Allez, changeons de plage. Nous avons trouvé une autre plage pour passer la nuit. Plus loin de la route celle-là. Pas beaucoup moins sale, ça non. Mais avec toujours une incroyable vue sur la côte, les pins maritimes et au loin, les majestueuses Alpes Dinariques. Trop dur la vie en galère. Nous nous amarrons là, entre deux pins, et filons explorer les lieux. Sûrs que nous allons y trouver un trésor !
Déchets à babord, et à tribord
Bon, on y trouvera encore beaucoup de déchets, les uns recrachés par la mer, les autres jetés de la route. C’est écœurant. Les filles nous en reparleront ce soir, elles veulent que l’on en parle sur le blog, que l’on montre les photos de notre réalité. Que ce voyage nous dévoile une nature sublime, mais qu’elle est gâchée, polluée, non-respectée. Elles nous expriment leur dégoût avec beaucoup de maturité.
Arts et explositions
Sur notre plage, nous installons un atelier peinture. Les unes peignant sur des cailloux et des bouts de bois. Maman s’attaquant aux montagnes. Mais le soleil poursuit sa course et nous sommes bientôt à l’ombre. Moi, je ne vois pas assez bien mes couleurs alors je prends la poudre d’escampette, laissant Pierre avec ses moussaillons. Je file trouver un cailloux mieux exposé, de l’autre côté de baie.
Pendant qu’à bâbord je me bagarre avec les ombres des massifs, à tribord l’on installe une « explosition » selon le terme consacré par moussaillon Solène. Les filles savent que l’on n’embarque pas les cailloux et autres bâtons dans notre galère, alors elles courent à ma recherche pour capturer mon appareil photo. Très bien. Je préfère garder quelques photos que 36 cailloux. Et cerise dans la cale du navire, Lison nous trouve non pas un, mais deux trésors ! Deux étoiles de mer bien bizarres.
Ce soir, comme tous les soirs en Croatie, le coucher de soleil est sublime. Nous réfugions dans notre galère à roues. Aquarelle, école, légos, blog, lecture, chacun ses activités. C’est chouette tout ce qu’on peut faire quand on a de l’électricité !
Ces derniers jours, les filles ont inventé un jeu familial, « la boîte à amour ». Pendant la journée, nous devons écrire des petits mots d’amour et les poster dans une petite boîte à thé. Oui, on est des pirates un peu bisounours. Et lorsque nous sommes à table tous ensemble, distribution. Ce soir, nous nous marrons particulièrement. Lison a décidé d’écrire un mot en « paybizien », le langage de son pays imaginaire, et de l’écrire de surcroît dans un langage codé qu’elle a inventé et dont elle a la formule écrite au feutre jaune dans son cahier secret. Pas la peine de vous dire à quel point il est compliqué à déchiffrer… Elle s’y atèle, mais n’y arrive pas. Elle aurait pu tout simplement s’en souvenir, mais non, elle ne s’en souvient pas. Nous, nous pleurons de rire. « Tarkan » ! Le premier mot, c’est ça ! ». « Et ça veut dire quoi ? ». « Ça veut dire amour en paybizien. Mais ça veut dire aussi je t’aime et je vous aime enfin voilà quoi ! »
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