Mardi 4 février 2020. J219. 18h. Nous voilà enfin à Berat, stationnés le long du grand jardin public central, en face d’une longue promenade où s’alignent des terrasses animées. Tout de suite nous sentons une chouette ambiance. Le classement Unesco apporte à la ville une fréquentation touristique et l’on mesure le soin qu’apportent les albanais à leur ville, à leur centre ville pour être exact. Il est propre, agréable, et très beau. Sur les flancs de la montagne, des milliers de petites fenêtres se regardent. La ville est coincée entre deux montagnes, là où le passage de la rivière est plus étroit, passage stratégique.
Bérat était situé sur la Via Egnatia, cette voie romaine qui relie la mer Adriatique à Byzance, l’ancienne Istanbul. Sa forteresse, c’est l’histoire d’un siège entre le Roi de Sicile, Charles d’Angers et les troupes byzantines.
Pendant un an, entre 1280 et 1281, les byzantins tiennent tête. Si la ville est prise, l’empire sera ouvert à une invasion qui pourrait le mener à sa chute. Des renforts arrivent, tendent une embuscade au commandant des troupes angevines et le capture. Cette défaite met fin à l’invasion terrestre de l’Empire byzantin par l’Occident. Encore une histoire que l’on découvre totalement.
À peine arrivés, nous n’avons qu’une seule envie, plonger dans cette ambiance chaleureuse. Les filles veulent rester à l’intérieur ? Très bien. Nous les enfermons et partons main dans la main. Quelques courses, le tour du quartier, une boucherie, un primeur. « Fruta perime », en albanais. Ça nous fait bien rire.
Thomas est arrivé
Ce soir, pile à l’heure de l’apéro, on frappe à la porte. On frappe à la porte ? Je regarde d’abord par la fenêtre, l’ouvre. « Alors, on se promène ? » me dit un homme rayonnant, visiblement très heureux de rencontrer des français comme lui. D’abord, je beugue un peu, j’ai l’impression de le connaître. Et puis nous engageons la discussion, comme ça, à travers un hublot, lui est sur la route. « Hé bien monte partager une bière, plutôt ! » Nous lui ouvrons. Une belle rencontre. Thomas est de Poitiers. En décembre, il a plaqué son job d’ingénieur pour voyager en van. Le Sri-Lanka est sa destination, il va y retrouver un ami. Encore un fou. Un homme libre, qui vit ses rêves. Nous aimerions bien discuter avec lui, mais c’est sans compter sur nos filles qui elles aussi sont en manque d’amis. Elles n’arrêtent pas de lui raconter notre voyage, de lui montrer leurs légos, leurs vidéos, leurs airs de flutiau… Non mais c’est un adulte, c’est notre copain, les filles ! Thomas est sympa, il s’intéresse à leurs exploits et je crois qu’il aime les légos autant qu’elles.
Il ne restera pas pour manger, mais nos Polarsteps sont échangés, peut-être nous le recroiserons.
Mercredi 5 février 2020. J220. C’était annoncé, il pleut. Il a plu toute la nuit et normalement, ça devrait s’arrêter pour 10h. Parfait. Nous avons le temps de faire l’école tranquillement.
L’ancienne cité fortifiée
La forteresse de Berat est évidemment tout en haut de la montagne. Allez, courage. La montée semblait atroce, mais elle ne l’est finalement pas. C’est le vent qui est atroce, là haut. D’ici, nous pouvons bien voir qu’il a neigé cette nuit sur les hauteurs alentours. Caché dans les nuages, le Mont Tomor. La forteresse contient un vieux château tout cassé, mais aussi une vieille ville où 25 familles vivent encore. D’ailleurs, nous allons en croiser une immédiatement. Un papa, très fier, nous présente son bébé de 4 mois. Il est amusant. Il approche son bébé de nos filles pour qu’elles réagissent avec tendresse. Non, ces sauvages font un pas en arrière, trop surprises par la situation. Je tente de rattraper le coup en m’intéressant à son trésor. « hooo, beautiful baby ! » C’est vrai qu’elle est mignonne, Erina, avec ses grosses joues et sa tête bien dressée. Nous ne le savons pas encore, mais l’homme est restaurateur et c’est chez lui que nous débarquerons ce midi.
Musée iconographique national « Onufri »
Pour l’heure, nous choisissons de nous mettre au chaud dans un musée. Perdu. Les musées ne sont pas chauffés l’hiver, comme à Mostar. L’endroit est tout de même très beau. Une église orthodoxe du Xe siècle, la Dormition de Sainte-Marie, avec une iconostase, cette paroi qui sépare l’assemblée de l’autel, finement sculptée, peinte et dorée. Nous découvrons complètement les églises et les rites orthodoxes. L’endroit est feutré, très beau. À côté, quelques salles d’expositions glacées où de belles icônes auraient pu nous plaire, s’il ne faisait pas si froid… Nous nous réfugions dans la petite salle où l’hôtesse d’accueil vend ses tickets, au chaud. À l’écran de l’ordinateur, les images des caméras de surveillance du musée. Nous voyons Pierre, poursuivre tranquillement sa visite. L’hôtesse s’en amuse avec nous, elle fait agrandir les images qui nous permettent de mieux le surveiller. Ça va, Pierre n’a pas volé une icône.
Nous avons froid, allons nous réchauffer dans un restaurant ! Encore perdu. Je ne sais pas si le chauffage existe dans ces contrées. Par contre, nous retrouvons notre adorable famille et leur poupée, collée dans son cosy, devant la télé, dans la salle de restaurant. Immédiatement, on nous la représente et Lison se voit obligée de la porter dans ses bras. Elle n’en est pas ravie du tout. « Mais je n’avais même pas eu le temps de me laver les mains et d’enlever mon manteau ! » Oui, parce que chez nous, quand il y a un bébé, on doit être propre pour pouvoir le toucher.
Au menu, plein de choses inconnues. Papa nous propose immédiatement de nous faire une assiette avec un peu de tout. Vendu ! Une assiette pour trois personnes, ça suffira. Voilà comment, en Albanie, on se régale à cinq pour 16€.
Même si l’on a bien mangé, il fait toujours aussi froid dehors. Le reste de la visite de la forteresse se fera au pas de course. La vue porte loin, le paysage est beau. Une minuscule église orthodoxe, non visitable, et la citerne d’eau de l’ancien château retiennent particulièrement notre attention. Et toujours au pas de course, nous redescendons de notre montagne.
La visite de Berat a pris fin. Prochaine destination, les sources d’eau chaude de Llixhat e Benjes. Un point cœur.
On the road again
Cela fait deux jours que nous étudions le trajet, parce que cette blague-là, Google ne nous l’avait pas encore faite. Berat > Llixhat e Benjes 200 kilomètres et trois heures de route, en faisant un grand trois quart de cercle… Et si on lui demande de mesurer la route toute droite, celle qui va du pont A au point B sans passer par la mer, il nous annonce 113 kilomètres et 4 heures de route. Incompréhension. En fouillant un peu, on arrive à comprendre qu’il s’agit de 100 kilomètres de piste… Chouette ! L’aventure quoi ! Sauf que, nous n’avons ni un 4×4, ni un gros camion. L’Emile-Pat est plutôt court sur pattes. Et il a plu. Et… non, il faut être raisonnable. Faisons le tour.
On le sait, trois heures de route d’un coup, c’est impossible. Nous trouvons un bord de rivière avant de remonter vraiment dans la montagne et nous nous spotons là pour la nuit. Sur Park4night, il était indiqué que nous pouvions dépasser ces disgracieux monticules de cailloux pour trouver un emplacement plus joli. Mais c’était encore une fois sans compter l’avis des filles : « On s’arrête là, on va pouvoir escalader ! » Effectivement, nous ne voyons pas les mêmes choses. Elles attrapent leur manteau, leur corde et leur mousqueton et entament leurs ascensions. Nous restons seuls dans le camion. Peinards.
Comme souvent, nous dînons super tôt, 18h30~19h. Et la veillée est longue. Chacun s’affaire à ses activités. Nous lisons, nous écrivons, nous bloguons.
Capucine poursuit la rédaction de son « Monde des merveilles », son monde imaginaire qu’elle est fière de nous faire découvrir en nous lisant ses écrits à voix haute. Lison a capturé le téléphone de son papa et explore sa playlist musicale. Elle est drôle, elle retrouve les chansons qu’elle aime mais n’arrive pas à les chanter assez vite. Le tout fait une ambiance bien particulière, un peu nostalgique. Nous vivons des moments simples mais ils sont tellement bons.
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