Lieu de naissance du scoutisme
Jeudi 19 septembre 2019. J80. Angleterre. Brownsea, l’île où Baden Powell a tenté une experience fondatrice : prendre avec lui 20 jeunes issus de milieux sociaux variés (neuf londoniens scolarisés dans de prestigieux pensionnats, et 11 venant des quartiers populaires de Bournemouth et de Poole) pour les emmener vivre dans la nature, dormir sous la tente, cuisiner au feu de bois, observer les animaux les plantes, les étoiles,… Vivre l’entraide, la charité, la loyauté, la responsabilité. Le premier camp scout de l’histoire.
Aujourd’hui, 112 ans après, nous sommes 40 millions de scouts et de guides, membres de ce mouvement de jeunesse et d’éducation populaire.
Le scoutisme pour nous
Pierre et moi sommes scouts, depuis notre enfance et encore aujourd’hui. Les valeurs du scoutisme ont participé à construire notre personnalité, notre respect de la nature et notre confiance en l’avenir. À Rodez, nous continuons à prendre part au mouvement, pour nos enfants, mais aussi car nous croyons fort en la force de l’éducation pour que les jeunes deviennent des adultes libres, heureux et actifs, investis pour bâtir un monde meilleur.
Et puis c’est grâce aux scouts que nous nous sommes rencontrés.
Voilà ce que signifie Brownsea pour nous. Un lieu fondateur. Nous sommes le 19 septembre. Demain, ce sera nos 11 ans de mariage, nos 11 ans de “promesse”. Mais notre cadeau, c’est aujourd’hui.
Exploration de l’île de Brownsea
Nous arrivons pour midi sur le quai de Poole, nous n’avons pas eu trop de mal à nous garer malgré l’activité frénétique de la ville. Baden-Powell est là, sur le quai, à attendre les scouts prêts à partir en camp avec lui. Sa statue est tellement réaliste. L’homme paraît tendre et débordant d’altruisme. Nous achetons nos billets à une petite guitoune jaune et embarquons directement.
Avec ses 2 km carré, Brownsea est la plus grande des huit îles de Poole Harbour. La plus grande partie est une réserve naturelle et un important habitat d’oiseaux. Nous débarquons à l’heure où les ventres commencent vraiment à gargouiller. Mais pas question de s’arrêter si prêt de notre but. Nous agrippons les mains de nos filles et les trainons derrière nous.
Notre but : l’emplacement du premier camp scout, tout au bout de l’île. C’est là. Une pierre commémorative. Et en dessous, des installations de campisme, quelques tentes, qui attendent les prochains jeunes. Depuis 1907, il se vit des camp ici et le lieu est un minimum aménagé. Des tentes intendance, des sanitaires. À l’entrée du camp, des dizaines de panneaux de bois gravés ou peints au nom des groupes qui sont venu camper ici. Germany, Peru, Norway, Portugal et j’en passe… C’est émouvant de découvrir un lieu aussi vivant. Mais les ventres gargouillent et il nous faut vraiment nous occuper d’eux.
Nos exploratrice en herbe nous trouvent un coin de sous-bois ensoleillé et au bord de l’eau. Parfait pour une pause bien méritée. Il fait très beau, chaud, la végétation est méditerranéenne, l’odeur des pins chauds nous imprègne. Tiens, un écureuil roux. Un souvenir remonte à ma mémoire. Le 1er août 2007, j’avais fêté le centenaire du scoutisme avec mes pionniers-caravelles au Québec, sur une île au milieu de la rivière Mauricie, au soleil au bord de l’eau, sous les pins et accompagnés d’un écureuil qui chantait le chant de la promesse avec nous perché sur son arbre. En fait, le lieu du premier camp scout de l’histoire est très similaire à celui où nous avions célébré le centenaire. Le rapprochement est saisissant.
Pendant que Pierre et moi nous nous remémorons plein de souvenirs, les filles, comme à leur habitude, s’installent dans la nature. La cabane de Ninou est vite montée. Le monde est devenu leur maison. Dans ces moments là, lorsqu’elles jouent ensemble, elles sont vraiment adorables. Mais ce n’est pas toujours comme ça. Alors que nous rencontrons spirituellement notre plus grand inspirateur en matière de relation éducative, nous nous sentons en réalité bien déboussolés. Les séances d’écoles sont très différentes selon les jours. Et souvent, nous nous fâchons avec Capucine. Pas seulement pendant les moments d’école d’ailleurs. Nous ne sommes pas des professeurs et nous le serons pas d’ici la fin du voyage. Et nous ne sommes pas non plus les parents habituels puisque nous revêtons la responsabilité de son instruction. Notre relation est donc devenue différente. Et visiblement, elle est perturbante pour Capucine. Elle veut faire l’école, mais tout l’énerve. L’exercice trop difficile, le refus de lui donner une réponse, ou la simple présence de sa sœur en face d’elle. Alors elle s’embrouille, s’excite, s’acharne à travailler dans un état de stress bien trop important pour étudier sereinement. Elle refuse évidemment d’écouter ses parents qui lui proposent de faire une pause. On se parle fort, on perturbe Lison, on se dit des mots qui blessent. Y’a des jours où tout se passe bien, et des jours comme ça. C’est disons un jour sur deux. Nous ne nous sommes jamais autant fâchés contre elle. Avec Pierre, nous sommes très touchés et déboussolés. Ici, sur Brownsea, nous faisons le point ensemble. Peut être sa nouvelle école ne lui convient pas ? Peut être se sent elle mal à l’aise face à l’application déterminée de sa sœur ? De la jalousie ? Ou peut-être est-ce nous qui lui en demandons trop ? Peut être est-ce nous qui avons dû mal à accepter qu’elle ne s’adapte pas à notre projet comme nous l’avions prévu…
En relisant cet article ensemble quelques jours plus tard, nous arrivons à avoir avec elle une discussion fructueuse. Capucine nous explique qu’elle a peur de rentrer en sixième en étant mal préparée cette année. La perspective la stresse visiblement beaucoup. Et ma propre peur de ne pas arriver à la faire correctement travailler en rajoute une couche. Nous comprenons alors mieux qu’il faut relâcher la pression que nous nous mettions. Nous repensons aux témoignages de toutes les familles que nous avons rencontrées et qui ont déscolarisé leurs enfants pour un voyage d’un an. Toutes nous ont dit de n’avoir aucune inquiétude, les enfants reviennent avec un niveau scolaire très bon. Nous rassurons immédiatement Capucine et lui témoignons de toute notre confiance en elle. Il nous faut simplement du temps pour nous faire à cette nouvelle école, il nous faut aussi du dialogue et beaucoup de confiance.
Allez, le dernier bateau est à 17h et nous avons envie d’explorer un peu plus cette île. Direction un jeu d’enfant au cœur de l’île, entièrement réalisé en perches (troncs de pins) et en froissartage, techniques scoutes, évidemment. Encore un nouvel univers imaginaire à explorer. Une scène, quelques fauteuils de bois, et nos enfants nous font un spectacle. Partout où nous nous promenons sur Brownsea, les paysages sont sublimes et très diversifiés. Une pinède, une clairière, un châtaignier immense au centre, une zone de bruyère mauve et de genêts jaunes. Et partout, un écureuil, un faisan, un paon et ses petits. C’est un régal.
Comme à son habitude, Capucine tourne sa petite vidéo avec toujours autant d’entrain.
La dernière jolie surprise de la journée, c’est une géo-cache trouvée pleine de badges scouts venant de partout. Et la deuxième dernière surprise de la journée, c’est notre bateau qui prend le chemin de l’école buissonnière en contournant l’île par le côté le plus long afin que nous puissions déguster à nouveau son paysage. Nous quittons Brownsea tout doucement.
Après une pause services qui allège autant l’Émile-Pat que l’esprit, nous trouvons à nous stationner pas très loin, aux abords d’un parc dans un quartier résidentiel. Ce n’est pas un spot de rêve, mais c’est un emplacement stratégique, non loin d’une boutique de ukulélé repérée de très longue date par l’amateur. Au menu ce soir, de simples œufs au bacon. Solène découvre. Elle adore. Elle le dit. Le redit. Toute la soirée elle me répéte que vraiment, les œufs aux bacon, elle adore.
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