Jeudi 14 novembre 2019. J137. Espagne, Andalousie. 7h, j’ouvre le petit volet de la capucine. Pas de vue. Nous sommes toujours dans les nuages. Je referme mon petit volet. 8h. Des nuages. J’ai l’espoir que le temps se lève aujourd’hui. Il fait vraiment froid ce matin et comme le vent pénètre dans la cheminée de notre chauffage, il refuse de démarrer. Allez, ça va, on va faire chauffer du lait. Nous déjeunons en prenant notre temps. Nous sommes dans le massif d’El Torcal, réputé pour ses magnifiques formations rocheuses. Des piles de crèpes. Les filles adoreront les escalader.
La rando à l’eau
La route que nous avons prise hier était très étroite et nous souhaitons en sortir tôt ce matin, avant qu’il n’y ait trop de risque de croiser quelqu’un. Nous déménageons donc avant de faire l’école pour rejoindre le parking de départ des randonnées, face sud du massif, peut-être y aura-t-il moins de nuages ? Non, il n’y en a pas moins. Mais il y a des randonneurs qui partent malgré le temps.
Nous faisons l’école, ça va se lever. Non, ça ne se lève pas. Il pleut même maintenant… Pierre décide d’aller faire un tour tout de même. Il s’équipe. Cela donne envie aux filles de le suivre. Les pantalons de ski sont de sortie pour la deuxième fois de la Carapate. Bonnets, écharpes, nous sommes prêtes. 100 mètres de marche dans la boue et sous la pluie, Solène demande à rentrer. Je la comprends et rebrousse chemin avec elle. Les filles poursuivent avec leur Papa, pour l’instant la situation les amuse. Pour l’instant. Elles rentreront 1 heure plus tard une fois la boucle bouclée.
Les visages sont désespérés, elles sont trempées. Elles n’ont aimé la balade. Je les recueille, les change, les réchauffe comme je peux. Ici aussi, le vent souffle dans la cheminée et nous empêche d’allumer le chauffage.
Smartphone à l’eau
De toute façon, il n’y a tellement pas de soleil que la batterie auxiliaire est à plat. Mais la grosse mauvaise nouvelle, c’est que mon téléphone non plus n’a pas aimé la balade. Les gouttes de pluie ont d’abord fait bugger l’écran tactile, bloquant la carte sim. Et l’humidité a pénétré le téléphone faisant bugger l’appareil entier. Plus de téléphone. Plus d’internet. Plus de GPS pour savoir où aller, de park4night pour savoir où dormir, plus d’appareil photo, plus de blog et de réseaux sociaux. 6 jours d’articles rédigés perdus. 6 jours de photos perdues. Allez, il va sécher. Pas dans ce froid. Pour l’instant, le vrai problème c’est de retrouver de la chaleur. Et la seule solution c’est de rouler et de retrouver un brin de soleil suffisant pour recharger la batterie. Prochaine étape, Alhama de Granada, une petite ville que nous avions mis à notre programme pour sa source d’eau chaude. Adieu El Torcal, nous avons vraiment loupé notre étape sur tes cimes. Le peu que nous avons vu à travers le brouillard était magnifique, cela promet un paysage sublime que tu n’as pas voulu nous dévoiler.
Alhama de Granada
La carte sim bloquée, on ne peut même pas la passer sur le téléphone de Pierre pour l’utiliser. Pierre n’a qu’un mini forfait de données. Nous l’utilisons pour calculer l’itinéraire, puis le coupons. C’est tout ce qu’il nous reste. Pour ce qui est des photos, il ne nous reste plus que le tout petit appareil de Capucine… A Alhama, il nous faut encore trouver où est cette source. Sans internet, il nous reste nos jambes pour aller chercher des renseignements à l’office de tourisme. Ha oui, tiens, javais oublié que ça existait ! Nous y trouvons nos renseignements, et de la chaleur humaine en prime. Les deux agents qui nous accueillent nous présentent leur ville et nous invitent à un spectacle en fin de journée. Un spectacle sur le féminisme, me précise-t-on. Nous prenons. Un peu de poésie pour terminer cette journée pourrie, ça ne se refuse pas.
Todas las mujeres
Ce sont deux femmes. L’une joue un poème. L’autre des instruments. La diction est lente et nous comprenons très bien l’espagnol. Nous traduisons quelques mots aux filles et elles décryptent le reste. C’est un très beau moment de douceur et de poésie. A la fin, les artistes nous autorisent à jouer avec tous leurs instruments. Un très bon moment de partage qu’il faut quitter pour retrouver notre Emile-Pat’ tout froid. On s’emmitouffle, ça va.
La source d’eau chaude
Vendredi 15 novembre 2019. J138. Réveil glacial dans l’Emile-Pat’. Nous avons tous bien dormi sous nos grosses couettes mais il fait trop froid pour sortir du lit. Pourtant, il va falloir s’affoler car un marché aux babioles est en train de s’installer autour de nous et si l’on ne bouge pas rapidement, on risque de se retrouver coincés pour la matinée. Direction cette source d’eau chaude en cherchant surtout en emplacement au soleil pour faire redémarrer tous les appareils : chauffage, pompe à eau,… Nous trouvons. Et pendant que les filles font l’école, ho miracle, le soleil se lève. En quelques minutes, le panneau solaire capte suffisamment d’énergie pour donner à la batterie auxiliaire assez de jus pour faire démarrer le chauffage. Alléluia ! Chauffage à fond, il envoit de l’air chaud partout, c’est le bonheur ! Nous mettons à sécher les habits mouillés de la veille. Nous démarrons le chauffe-eau pour pouvoir nous laver après la trempette dans les sources.
L’été dernier en Italie, nous avons gardé un excellent souvenir de notre bain dans un source chaude. Mais cette fois-ci, Pierre nous prévient qu’il fait très froid dehors. Cela n’entame cependant en rien la motivation des filles. A côté de la rivière sont construits deux petits bassins où deux personnes se prélassent déjà. Deux autres arriveront ensuite. Comme en Italie, ce sont des lieux gardés jalousement secrets par les locaux. Il doit faire 10° dans l’air et 32° à 35° degrés dans l’eau en fonction de endroits.
Solène à l’eau
Ni une, ni deux, les filles sautent à l’eau. Pierre les suit. Puis Solène. Il ne manque plus que moi… qui suis habillée comme un si j’allais faire du ski. “Allez Maman, courage !” Je glisse à l’eau. C’est vrai que la sensation de réconfort est éminemment agréable. Un temps. Doucement, la sensation de chaud s’estompe et au bout de 15-20 minutes, il faut sortir. Je reprends mon courage pour sortir, me sécher dans ce froid glacial, et me rhabiller. Pierre me suit. Au tour des filles, nous sommes prêts à nous occuper maintenant de nos petits canards. “Attends, un dernier tour Maman !” Les grandes font les loutres, la petite les suit. Seulement, je comprends très vite que Solène n’aura pas assez d’appui pour se déplacer aussi librement que ses soeurs, elle met le nez sous l’eau, je saute dans pour la repêcher…
Elle a bu la tasse, je suis trempée, chaussures, pantalon, manches de manteau, mais elle ne s’est pas noyée. Ses habits que j’avais dans les mains ont fini dans l’eau eux aussi. Papa l’emballe dans son pull et file au camping-car. Les grandes soeurs sortent sans broncher.
Quel bonheur de se retrouver tous les cinq au chaud au tour d’un bon repas dans l’Emile-Pat et toujours au soleil. Nous sommes stationnés à proximité de la source, sur un bord de chemin rural, au milieu des oliviers. Nous pouvons envisager la suite du voyage et surtout, nous replonger dans nos problèmes pour trouver une solution. D’abord débloquer ma carte sim pour pouvoir utiliser mon forfait de données dans le téléphone de Pierre. Pour ça, il nous faut attraper un wifi pour naviguer dans les entrailles du service client d’orange.
En route vers Grenade
Direction notre prochaine destination : Grenade. Le voyage doit continuer. Pierre choisit un park4night dans l’université. Sécure, calme et en prime avec un wifi ouvert, coup de bol. Il sort son “bazooka”, un petit appareil qui permet de capter un signal faible et de l’amplifier. Il arrive à bien capter internet, mais impossible d’accéder au service client d’orange. Le numéro d’appel ne fonctionne pas. Je tente d’appeler une boutique à côté de chez nous… le vendeur ne doit pas nous donner notre code puk comme ça, au téléphone, ça n’est pas dans les procédures. Mais il le fait sans hésiter. Ce doit être la solidarité entre aveyronnais… Nous retrouvons ainsi notre forfait de données et c’est une très bonne nouvelle. Pour ce qui est de l’humidité dans le téléphone, une seule solution, le plonger dans un sac de riz. “Ha, vous voyez, je vous l’avais dit !” Mon téléphone repose déjà dans son paquet de riz depuis hier et tout le monde se riait de moi et de mes idées loufoques. Pendant que je débloque ma carte avec notre second téléphone, Pierre profite de son wifi pour terminer la publication de l’article “Prendre son soûl de soleil”. Quel contraste avec ce que nous sommes en train de vivre,… je pleure intérieurement la perte de mes photos, de mes articles, de mon téléphone-couteau-suisse dont je me sert à chaque instant, et la préoccupation pour ce système électrique qui ne fonctionne pas correctement alors qu’il commence à faire un froid glacial en ce début d’hiver andalou.
Allez, le voyage continue. Ce soir le chauffage à démarré et fonctionne très bien. On charge l’appareil photo de Capucine, on refait l’école, et demain nous profiterons de Grenade !
Avant de monter dans son lit se coucher, Lison bloque devant son échelle. Visiblement, son imagination l’a embarquée dans une histoire qui lui fait tripoter son rebord de lit en faisant tout un tas de drôles de mimiques. Capucine intriguée l’interpelle, Lison ne répond pas, trop absorbée. Nous l’observons, elle est parfois vraiment très étrange. Face à l’insistance douce de sa soeur, elle rétorque “Je peux pas monter dans mon lit, j’ai perdu mon code !” Nos problèmes d’adultes sont aussi sources de découvertes et de jeux pour nos enfants.
Nos randonnées difficiles et mémorables
La météo n’a pas été sympathique sur la rando d’El Torcal et a noyé notre téléphone avec nos photos et textes de blog à l’intérieur. Egalement, difficile fut la randonnée qui nous amena au dolmen de Guadalpéral, en Espagne, sous la chaleur et sans itinéraire. Lointaine, nous a paru la baie de Sandwood, en Ecosse. Mémorable fut la balade aux lacs de Plivitce, en Croatie, sous la neige et absolument seuls. Emouvante fut notre sortie au sphynx de Bucegi, en Roumanie, après des semaines de confinement. Palpitante fut la randonnée sur les crêtes du cratère du volcan Etna, en Sicile.
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