Chaussette, Sybille et Mozart, l’aventure dans un aquarium

Vendredi 1er mai 2020. J294. Snagov, Roumanie. Confinés, le temps coule paisiblement. C’est que nous avons nos pris habitudes ici. Ecole et entretien de notre maison à roulettes le matin et toujours au soleil, repas en terrasse à midi, sieste ou temps calme pour tout le monde et activité manuelle l’après-midi. Cette année sabbatique avait comme projet premier de prendre du temps avec nos enfants, de jouer ensemble, de travailler ensemble, et ça, ce méchant virus ne nous l’aura pas pris.

Il faut savoir voir notre vie avec un œil positif, quoi qu’il arrive. Et je crois que la lecture d’un roman ayant deux ados et une maman en personnages principaux a su me le rappeler : mes filles grandissent vite, je dois profiter coûte que coûte de ces moment béni à leurs côtés. Alors je redouble de câlins, d’activités dessins, de gâteaux patouillés ensemble, de bricolages inventés et d’essais ratés.

Mercredi dernier, le président roumain a annoncé que le déconfinement commencerait à partir du 15 mai. « Les roumains pourront circuler librement ». Est-ce que les étrangers aussi ?… Pas de fausse joie, nous avons appris à ne plus rien planifier. Il nous reste trois semaines à attendre… ou plus que trois semaine à profiter d’être ici. Et puis nous avons entendu qu’en France, le déconfinement autoriserait des sorties à moins de 100km de chez soi. Espérons que la Roumanie ne suivra pas la France sur ce point-là, sinon qu’adviendra-t-il de nous ? Ne rien planifier, ne rien planifier. Mais quand même, nous ne pouvons pas nous empêcher de rêver. Peut-être pourrons-nous reprendre notre voyage en Roumanie ? Au moins quelques jours ? Jusqu’à être arrêtés par des policiers zêlés qui décideraient que nous ne pouvons pas nous déplacer librement ? Ne rien planifier, ne rien planifier. Techniquement, nous devrons quitter la Roumanie le 17 juin au plus tard, car nous n’avons pas le droit de rester sur le territoire plus de trois mois sans visa. Est-ce que d’ici-là certaines frontières intra-européennes auront ré-ouvert ? Ne rien planifier, ne rien planifier.

Chaussette, la souris grise

Le grand feuilleton de la semaine aura été l’histoire de Chaussette, puis de Sybille, puis de Mozart. Un trio de rongeurs qui aura fait tourner la tête de Capucine, et de Gaël aussi faut-il avouer. Le premier, Chaussette, est une souris grise arrivée dans nos vies jeudi 23 avril, pourchassée par Bijou, le chat de la maison, et sauvée par Capucine. Immédiatement, Gaël a sorti de son garage un grand aquarium dans lequel il stocke la Chaussette pour la nuit, en attendant de lui aménager un espace plus agréable demain. Aquarium refermé, planqué dans le garage, nous allons nous coucher. Au petit matin, Capucine va voir sa souris. « Elle dort en boule, elle ne bouge pas. Gaël l’a mise dans une boite en carton le temps que nous nettoyons l’aquarium. « Et elle ne s’est pas réveillée lorsque vous l’avez mise dans la boite en carton ? », je lui demande.

Gaël nous indiquera que le chat a réussi à passer la nuit dans le garage, ce coquin, mais sachant qu’elle est probablement bien morte, ça n’empêche pas Gaël de nettoyer l’aquarium à grandes eaux pour le confier ensuite à Capucine qui passera l’entière journée à l’aménager de mille éléments, planques, petit nid douillet, mangeoires, abreuvoir, tubes de carton,… et à étudier l’ensemble des pages wikipédia sur l’élevage des souris grises. Preuve est faite de l’intérêt des deux compères pour ces petits animaux. « T’inquiète Capucine, demain j’irai en acheter une de souris », confie Gaël.

Manque de chance, le lendemain c’est Laura et moi qui sommes de corvée courses. Et pas question d’aller acheter le moindre rongeur comme ça sur un coup de tête. Gaël est presque déçu. Capucine garde bon espoir que Bijou le chat en chasse une autre, qu’elle pourra sauver de la même façon. Gaël lui a confié un piège à souris non létal. Elle passe plusieurs soirées à observer le chat dans ses virées nocturnes et à chercher les trous de souris dans le jardin pour voir où placer son piège.

Dimanche, au bout d’un mois de confinement, nous sortons enfin en famille pour se balader dans les environs. Nous découvrons que notre maison est dans un quartier, et ce quartier est voisin d’une forêt et de l’ancienne voie ferrée. Nous observons les signes du printemps, il fait très beau. Cela fait beaucoup de bien d’avoir enfin un horizon à portée d’yeux.

Mardi, Gaël part en expédition de l’autre côté de Bucarest pour une « raison impérieuse » : il doit porter son robot de piscine pour réparation. Evidemment, ce motif n’est pas prévu dans les autorisations de déplacement… A quoi donc a pensé l’administration roumaine quand elle a préparé le confinement ? C’est pourtant bien vital de pouvoir ouvrir sa piscine privée avec les chaleurs qui s’installent actuellement ! Laura, qui est d’habitude à cheval sur le respect des réglementations, en tout cas bien plus que son français de conjoint, consent à cocher la case « porter soutient à des personnes âgées » en indiquant l’adresse de ses parents habitant par chance dans la même direction. Il n’en faut pas plus pour Gaël pour s’échapper et revenir… avec un rongeur ! A voir son air malicieux, Pierre, Capucine et moi comprenons immédiatement.  Les assiettes bien finies et la table débarrassée -ne jamais perdre une occasion de demander un service quand on a une si belle motivation- c’est le moment d’ouvrir cette petite boîte en carton. Une bestiole, pas vraiment identifiable, mais minuscule, est immédiatement transférée dans la grande cage qu’avait aménagée Capucine. Elle se met à tourner partout, avant de se planquer dans l’une des cachettes. Capucine semble terriblement heureuse d’avoir à s’occuper de cette bestiole quelques temps. J’espère qu’elle a bien compris qu’elle restera ici à notre départ. Gaël a aussi acheté tout ce qu’il faut à un rongeur : litière, graines, et une grande cage avec plusieurs roues et plein de tuyaux pour évoluer à travers trois étages. Avec Capucine et Lison, les trois grands enfants s’attachent à résoudre le puzzle du montage de l’ensemble, puis inventent un système qui permettra à la bestiole d’évoluer de son aquarium à sa cage. Quel palace !

Sybille, le hamster nain

L’après-midi sera consacrée à l’identification, c’est apparemment un hamster nain, et à la recherche des habitudes de vie et des nécessités de soins qu’il demande. A la nuit tombée, nous passons du temps de nouveau à l’observer. La bestiole est sortie de sa planque et explore son environnement avec beaucoup d’énergie, grimpe partout, fourre son museau dans tous les recoins, grimpe, dégringole. Elle est amusante. Elle s’appelle Sybille. En fait on ne sait pas si c’est une femelle, mais elle s’appelle quand même Sibylle.

Pendant l’épisode hamster, avec Lison nous avons ouvert un épisode couture de masque. Un tee-shirt troué à la manche sera notre matière première. Un tuto regardé. Un patron découpé. Et nous voilà en train de coudre, coudre et coudre. A la machine, ça aurait été facile, mais pas de machine ici. Tout à la main. Même les quatre lanières qui nous serviront à faire les nœuds derrière la tête. Heureusement que Lison est habile et patiente. Nous cousons ensemble tout l’après-midi et le résultat est là. Un joli masque, agréable à porter et surtout lavable. C’est la solution qui me semble la plus adaptée à notre vie en camping-car en imaginant le désinfecter simplement à l’eau bouillante.

Mercredi, à l’aube, Capucine se faufile hors de son lit pour vérifier si Sybille a passé la nuit. Oui ! La Sybille est toujours vivante ! Solène n’en revient pas,  elle pensait que ces bestioles ne vivaient qu’une journée.

Mais jeudi matin, plus de Sybille. « C’est sur, elle s’est planqué dans le tuyau » se convainc Capucine. Nous attendons. Toujours pas de Sybille. Regardons dans le tuyau, pas de Sybille. Fouillons l’ensemble de la cage et de l’aquarium, aucune Sybille. C’est qu’il y a un trou, entre la paroi de verre de l’aquarium et son couvercle en plastique. Mince, nous ne l’avions pas vu ce trou. Et la rampe qui permettait à la bestiole de monter jusqu’au tuyau de passage dans la cage lui a permis d’accéder au trou. C’est Bijou qui a du se régaler… Capucine est encore une fois déçue. Mais comme avec Chaussette, elle ne perd pas espoir et passe le reste de sa journée à étudier l’ensemble des races de rongeurs présents sur le marché pour déterminer qu’il lui faut maintenant racheter un hamster doré mâle, « hamster auriu mascul » en roumain, les plus câlins selon ses informations. Gaël semble d’accord, même s’il sait qu’il n’y a pas beaucoup de choix à l’animalerie. « Promis, on y va demain ».

Solène et Béatrice, de leur côté, sont de plus en plus complices. L’une et l’autre ayant doucement appris à accepter leurs différences de développement et trouvé des terrains de jeux communs. Un après-midi, nous les observions jouer sur le trampoline à combattre le coronavirus incarné dans des boules en plastique qu’elles jettent au dessus du filet. Un autre, Capucine les a retrouvées en train de tester la flottabilité de leurs jouets de bains dans l’eau des WC… Un autre matin, les princesses s’étaient maquillées et tatouées à l’aide d’un stylo violet à paillettes. Un autre soir, les deux sont retrouvées planquées sous une couette pour sauver Solène de sa maman qui voulait la coucher.

Mozart, le hamster russe

Vendredi 1er mai, c’est le grand jour. Capucine a déjà choisi le nom de son futur hamster, ce sera Kaki ou peut-être Simba, et demande évidement à se rendre avec Pierre et Gaël à l’animalerie. Hésitations, nous sommes d’accord. Mais Laura nous rappelle à l’ordre. Pierre et Gaël ne peuvent pas conduire aujourd’hui, ils ont pris un verre de digestif, un seul, à la fin du déjeuner. En Roumanie, c’est tolérance zéro. Il n’y a que moi qui n’a pas bu… Je suis bonne pour la corvée de courses. C’est donc avec Pierre et Capucine que nous partons, Gaël me prête sa petite voiture automatique. Masques sur le nez, nous constatons effectivement qu’il n’y a pas beaucoup de choix à l’animalerie. Il n’y a que des Roborsky et des Campbell. Capucine choisit juste celui qui lui tape dans l’œil, un petit hamster gris et blanc un peu plus gros que Sybille. Nous la laissons toute seule avec son nouveau compagnon dans la voiture et filons faire rapidement les trois courses que nous avons à faire. « J’ai envie de l’appeler Mozart ! Je trouve que ça lui va mieux. Je l’ai pris dans mes main, il n’a pas eu peur ! Et j’ai je l’ai retourné, c’est un mâle, c’est sur ! » Moi, je me demande comment cette bestiole ne peut pas avoir peur de Capucine…

De retour à la maison, Mozart est présenté à tout le monde et effectivement, c’est un hamster qui se laisse tranquillement transporter dans les mains de Capucine. Dans son aquarium, Mozart est moins excité que Sybille. Il se montre plus calme, mais curieux de son environnement et des petits doigts de Capucine qui traînent toujours par là. Moi qui m’étais juré de ne plus jamais avoir de rongeur le jour où je me suis rendu compte que les deux souris que j’avais installées dans ma chambre d’ado empestaient encore plus que mon linge sale derrière la porte, je ne sais pas dans quelle aventure notre Carapate nous a encore fourré… Capucine est bien informée que nous partirons au plus tôt le 15 mai. Et sans Mozart, a priori.

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Une réponse à “Chaussette, Sybille et Mozart, l’aventure dans un aquarium”

  1. Avatar de creusoise
    creusoise

    ça va être difficile de partir sans votre musicien !

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