Another week in Snagov

Du lundi 6 avril 2020, J269 au dimanche 12 avril, J275. Snagov, Roumanie. On a quand même trouvé le confinement le plus cool du monde. On est 4 adultes pour 4 enfants, une grande maison et un grand jardin, on peut se relayer pour occuper les enfants, on peut aussi avoir des discussions d’adultes le soir, et même du temps pour nous… On appelle les copains à Rodez pour prendre des nouvelles, et ça commence à devenir difficile pour eux. Nous, ça va.

Je continue à faire mes lessives, inlassablement. Après la montagne de linge sale, je m’attaque aujourd’hui aux rideaux qui jouxtent la cuisine du camping-car et qui ont bien besoin d’un rafraîchissement. Demain, ce sera aux housses des banquettes d’y passer, elles qui servent régulièrement de serviettes de table pour petits doigts égarés. Un peu de couture, les occupations ne manquent pas encore.

Côté enfants, ça joue, ça joue et ça joue. Ça fait l’école aussi. Capucine a organisé une chasse aux trésors dans le jardin, qui se renouvelle tous les jours. Elle expérimente ses futures compétences de cheftaine scoute. Solène se passionne pour les petits cubes en bois. Béatrice perfectionne toujours plus son français et Lison plante des clous. Et puis la préparation du repas est l’occasion d’un autre exercice de motricité fine : couper des morceaux de pommes pour le crumble que je prépare.

Another Day in Snagov. Lessive, école, bricolage, le train train quotidien. Ce matin, nous testons l’école à la télé, cette proposition de l’éducation nationale pour la “continuité pédagogique”. 30 minutes d’exercices mathématiques et français par niveau. Chacune s’applique, deux fois 30 minutes de travail hyper concentré. Elles sont contentes, les exercices sont faciles, elles ont le niveau. À la télé, la classe passe tellement vite que Capucine n’a absolument pas le temps de râler. Ça nous va bien, nous continuerons comme ça le temps que ça existera.

Autre nouveauté du jour, le temps calme en début d’après-midi. Avec Laura et Gaël, nous avons estimé qu’un temps de sieste manquait à nos deux petites. Alors nous avons instauré l’arrêt général de tout le monde pendant une heure, temps calme obligatoire. À vrai dire, nous n’avions pas beaucoup d’espoir d’arriver à les faire dormir vraiment, mais un temps de repos aurait suffit à nous satisfaire. Après le repas de midi, tout le monde est prévenu, tous au lit. Sieste ou lecture, au choix, mais calme obligatoire.

Hé bien ça a marché ! Après avoir râlé, ce qui est  un bon très signe de fatigue, elles se sont endormies, les deux princesses. Et nous aussi, tiens, d’ailleurs. C’est qu’on s’épuise vite en confinement, non ?

Aujourd’hui lueur d’espoir. L’ambassade de France communique sur une “autorisation dérogatoire de déplacement international”. Tiens, aurait-on le droit de rentrer chez nous par la route ? Un mail à l’ambassade. Non, l’autorisation ne concerne que les frontières françaises. Cette anecdote me fait réaliser que rentrer chez nous est réellement impossible. Quelle angoisse. Même si en soi nous n’avons pas du tout besoin de rentrer en France dans l’immédiat, que nous sommes bien ici, que nous avons cinq mois devant nous et que la situation a le temps d’évoluer, la perspective de ne plus pouvoir rentrer chez nous me fait frissonner.

Another Day in Snagov. Laura nous a fait livrer quelques courses pour que l’on puisse patienter jusqu’à vendredi, lendemain de la fin de notre quarantaine forcée et jour de mission ravitaillement. Dans sa commande, des colorants pour œufs de pâques, à la sauce roumaine. L’activité plaît beaucoup aux filles. Il faut cuire les œufs durs, les refroidir puis  colorer les coquilles d’une seule couleur. Le résultat est très graphique. Nous avons fait un essai aujourd’hui, mais quand la pâques orthodoxe arrivera, nous en ferons davantage.

Capucine et Lison développent une nouvelle passion. Après avoir bricolé mangeoires et abreuvoirs, nous observons les petits et moyens oiseaux du jardin. De loin, depuis la petite terrasse. Mais nous sommes trop loin. Deux chaises, une couverture, Capucine construit une planque au milieu du jardin pour les observer, et les prendre en photo. Deux heures terrées sous leur couverture de laine en plein soleil. Après les photos, l’identification et les dessins. Il y a des mésanges, des rouge-gorges, des étourneaux sansonnet, et moineaux et d’autres que nous ne savons pas encore reconnaître.

Les activités créatives vont bon train ici. Tous les après-midi sont occupés par quelques bricolages. Je tiens à ce que les filles profitent de ce temps pour inventer, expérimenter, créer, perfectionner tout un tas de savoir-faire manuels qui sont à mes yeux tout aussi importants que l’école. Mais malgré leur créativité, j’entends quand même de temps en temps des râles… “Je sais pas quoi faire…. Je m’ennuie… Tu peux faire ça, ça ça ou ça !? Non… J’ai pas envie…” Comment les motiver à faire des activités créatives, jour après jour, encore et encore,…? Si vous avez besoin d’idées farfelues, vous pouvez compter sur moi, je suis inépuisable !

Les confi-kids

Voilà, Confi-kids est créé ! Mille et unes idées pour kids confinés, une chaîne YouTube faite par des enfants confinés pour des enfants confinés. Et comme je me doute un peu que les copains sont dans le même cas que nous, confinés et en proie à l’ennui, le défi est d’alimenter collectivement cette chaîne, pour encourager tout autant Capucine que ses amis à avoir des idées d’activités, à les mettre en oeuvre, puis à les filmer, faire un montage et mettre en ligne. Tout un champ de compétences nouvelles pour eux. Et le plaisir d’avoir un projet partagé, à quelques 2500 km d’écart.

L’idée est proposée, elle enthousiasme tout le monde. Et puis il faut passer à la réalisation.  Tourner des vidéos, monter des films, Capucine maîtrise. Nous créons ensemble la chaîne en quelques clics. Capucine et sa copine Prune proposent des logos qu’elles créent elles-mêmes, avec je ne sais quelle application, elles m’épatent. Et puis c’est l’un des logos de Prune qui remporte les suffrages de la bande de potes. Les Kids se mettent à faire quelques vidéos, nous tâtonnons un peu pour arriver à ce que plusieurs personnes puissent poster des vidéos sur la même chaîne, et ça fonctionne, doucement, les premières vidéos des copains arrivent. Ça nous aura pris une bonne semaine de travail, de relances, d’essais, et nous y sommes arrivés. Il n’y a plus qu’à la faire connaître un peu, et à continuer à avoir des idées pour la production de vidéos !

Another week in Snagov. Jeudi, la quarantaine est officiellement terminée et nous avons notre certificat officiel des services sanitaires. La mission ravitaillement s’impose. Et comme nous n’avons vraiment pas envie d’aller faire les courses tous les deux jours, on fait nos stocks. Avec Gaël, masques sur le nez, direction Lidl, un peu plus loin, un peu plus grand que le Méga Image. Et on complète au carrefour d’à côté, un grand centre commercial tout neuf, ouvert en janvier, et déserté en ce début du mois d’avril. Nous pénétrons la galerie marchande éteinte et dépeuplée, comme si nous étions en train de braquer le supermarché un dimanche.

De retour à Snagov, nous mettons le frais au frais et puis nous déjeunons. Nous sommes épuisés par l’expédition et il reste encore tout à ranger, dépackager, passer fruits et légumes au vinaigre… La corvée. Gaël installe son frigidaire d’été pour l’occasion, sans cela nous n’aurions absolument pas pu stocker au frais la quantité de bières et de jus qu’il a ramenés pour toute la troupe. Heureusement que nous sommes dans une grande maison.

À l’entrée de la zone des denrées alimentaires, un gardien nous presse de nous laver les mains dans le petit lavabo installé la à la hâte. Merci, mais nous l’aurions même sans son invitation. A l’intérieur les vitrines sont bâchées pour être complètement fermées. Dehors, un jeune homme désinfecte les caddies entre chaque client.

Tout ça donne un sentiment bien curieux, comme si l’on risquait sa vie à fréquenter ce genre d’endroit. Moi qui n’aimais déjà pas les supermarchés, je passerai mon tour dans quinze jours. Mais je trouve à Carrefour le graal que nous cherchions depuis un moment avec Pierre, un cable OTG, comprenez un câble qui permet de brancher une souris à un téléphone portable. Pourquoi donc ? Pour tenter une nouvelle fois de récupérer les textes et photos du téléphone douché au Torcal del Antequera. Et quelques stocks de carnets de dessin. Nous sommes armés pour affronter une nouvelle quinzaine de confinement. Je crois que Gaël n’avait jamais vu sa voiture aussi chargée.

La fin de journée sera plus douce. Atelier peinture tous ensemble au son de la guitare que Gaël a prêté à Pierre. J’entame les couleurs de mon dernier croquis, la mezquita del Cristo de la Luz de Tolède. Je continue mon voyage.

Another day in Snagov. 25°C aujourd’hui, le temps est chouette en ce moment, un temps à grataz ici, comprenez à faire un barbecue. Gaël l’avait prévu et avait acheté les viandes pour hier. A nous côtes de porc et mici, ces petites saucisses roumaines faites d’un mélange de viande hachée et roulée en boudins. Gaël en maîtrise maintenant bien la cuisson. Quelques légumes à la grille. Voilà un confinement agréable.

Ce matin, les deux petites sont particulièrement complices. Elles ont retrouvé une espèce de poupée qui chante en boucle les même huit notes et tourne en dansant. Les deux princesses se plaisent à danser avec elles. Nous, nous en avons vite marre d’entendre ce bruit synthétique et répétitif, ça nous rend fou. Mais au moins elles jouent seules et bien ensemble. Après le tapis du salon, c’est devant le toboggan qu’elles s’installent avec leur poupée qui a d’ailleurs perdu son buste et sa tête entre temps. C’est pas grave, elle tourne encore, elle et sa chanson stridente.

Solène a enfilé quelque chose à la place du buste, des pissenlits. Trois fleurettes jaunes qui tournent en chantant. La musique n’est pas pour autant plus agréable, mais l’image est jolie.

Activité peinture d’œufs de pâques cet après-midi. Et pour les peindre, il faut les vider sans les casser. Je retrouve ce plaisir d’enfance, souffler dans les œufs pour en faire baver le blanc puis le jaune. Beurk.

Nous serons prêts pour la Pâques catholique demain, que nous organiserons à la sauce française. Laura se chargera de nous faire découvrir les traditions orthodoxes dimanche prochain, date de la Pâques orthodoxe.

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Une réponse à “Another week in Snagov”

  1. Avatar de creusoise
    creusoise

    merci pour ce compte-rendu de votre semaine
    c’est bien que vous ayez trouvé cette famille
    la petite Béatrice va progresser en français !
    ici aussi quand on fait les courses , c’est pour un long moment !
    en france, le confinement est prolongé jusqu’au 11 mai et ensuite le déconfinement ne se fera que progressivement
    on n’en est pas sortis !
    oui, l’attestation est un papier à remplir pour les européens qui veulent rentrer en france
    mais pour rentrer vous avez d’autres frontières à passer !

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