Mercredi 1er avril 2020. J264. Snagov, Roumanie. Non, ce n’est pas un poisson d’avril. Désormais, ce sera la police municipale qui fera nos courses. Explications.
À notre arrivée à Snagov, nous avions prévenu l’ambassade et Laura les autorités locales. Notre cas était connu et nous attendions d’éventuelles consignes. Elles sont finalement arrivées, ces consignes, une semaine après nous. Nous sommes mis en quatorzaine ensemble et ni nous, ni nos hôtes, n’avons le droit de sortir du jardin. La police locale passera tous les jours vérifier si nous sommes bien tous là. Impossible de faire des courses, on nous indique d’appeler la police locale pour passer nos commandes alimentaires. Incroyable.
Heureusement, la situation amuse beaucoup Laura qui n’est pas peu rassurée de ne plus voir son compagnon traîner dans les supermarchés “infectés”. Nous mesurons comme c’est impliquant pour eux de nous accueillir, comme c’est généreux en même temps. Nous voilà tous les huit dans la même galère, beau temps, mauvais temps. Il nous semble que cette mesure de confinement total est démesurée, mais pas le choix, nous nous plierons aux consignes.
Après une nouvelle matinée ménage, nous sommes invités à déjeuner chez nos hôtes pour midi. Gaël a cuisiné un excellent sauté de canard. Jusque là, nous ne mettions pas un pied chez eux de peur qu’ils ne se sentent complètement envahis par notre présence. Mais aujourd’hui encore il fait très froid, et je crois que nous sommes tous très contents de passer du temps ensemble.
Ateliers poissons d’avril
Et puisque nous sommes le 1er avril, je prépare un atelier “poissons peints” à l’aide de tampons de pommes de terre. Amusant pour tout âge. Lison se passionne pour la taille de patates. Solène se colle fièrement un poisson dans le dos. Un peu de trampoline entre deux. Gaël initie Capucine puis Lison à un nouveau jeu de société. L’après midi passe vite tous les sept. Et nous restons à manger pour le soir. Pierre a préparé une soupe de butternut, une “soupette de Mamette” comme aiment à l’appeler les filles qui en raffolent.
Jeudi 2 avril 2020. J265. “Y’a plus de banane ce matin ?” s’attriste Solène. “Maman, il faut appeler la police pour qu’elle nous apporte des bananes !”. Solène apprend vite des situations. Nous vivons dans un drôle de monde…
10h30. Nous sommes encore tous en pyjama que Laura frappe à notre fenêtre. “Il faut venir se montrer à la police, elle veut vérifier si tout le monde est là”. Hé bien nous sortons tous, parés de nos beaux habits d’intérieur. “Una, două, trei, patru, cinci, șase, șapte, opt, este în regulă, intrați și încălziți-vă”. On nous demande si nous avons besoin de quelque chose. “Multumesc, la revedere.”
Ils vont passer tous les jours comme ça ? Apparemment oui. Toute cette attention rien que pour nous ! Il faudra leur dire de passer plus tard quand même…
Comme hier, nous partageons notre déjeuner puis notre après-midi. Atelier pâte à modeler, trampoline, badminton rythment nos journées. Aujourd’hui, c’est Lison qui m’apprend les règles du jeu de société qu’elle a appris hier. Nous jouons ensemble, sur la terrasse au soleil, c’est très agréable.
19h, la police appelle au téléphone, elle est dans la rue et veut nous compter. Nous sortons tous les huit. Un sourire. Vous n’avez besoin de rien ? Multumesc la revedere. On se croirait être des patients dans une chambre d’hôpital dans laquelle des infirmières passent nous surveiller… N’ont-ils rien d’autre à faire ?
Avec Gaël, nous avons fait un point sur l’intendance. Mes réserves sont encore importantes, mais il ne nous reste plus que 4 bouteilles de lait, de quoi tenir jusqu’à lundi, pas plus. Côté fruits et légumes, nous n’avons presque plus rien en frais, mais encore du stock de conserves. Gaël me fait visiter ses placards et son congélateur. Ça va, on va pouvoir tenir la semaine sans faire appel à la police. Le témoin est passé, je prends en main l’intendance pour ce soir, et certainement pour les jours à venir aussi. Me voilà aux fourneaux et pour le coup, je prépare un gâteau dans leur vrai four.
Vendredi 3 avril 2020. J266. Les réparations continuent. Depuis plusieurs jours, nous essayions de déboucher l’évier de la salle de bain avec du bicarbonate de soude et du vinaigre, mais rien à faire, le chimique ne fonctionne pas. Nous savons que le tuyau est pincé juste après son passage à travers le mur de la salle de bain. Il faudrait couper ce bout, et faire un raccord. Mais nous hésitons, rien ne nous assure que le bouchon ne se trouve pas également plus loin.
Plomberie dans le camping-car
Mais ce matin c’est décidé, on coupe. Verdict. Il y a encore de l’eau dans le tuyau, le bouchon est bien plus loin. Il nous faut déposer une espèce de coque en plastique qui se trouve sous le lavabo. C’est parti, Pierre enlève tous les joints, essaie de la lever, ça ne vient pas. Il y a des vis par dessous, impossible d’y accéder sans enlever le plancher de la salle de bain. C’est incroyable comme ce truc est indémontable. Réflexion faite, nous décidons de casser la coque, Pierre refera un caisson plus intelligent, démontable, solide et cubique histoire que les filles puissent marcher dessus sans le casser. La coque originelle, arrondie, nous enlevait de l’espace devant le lavabo et était déjà fendue par le poids de celles qui y posaient leurs pieds en se brossant les dents. Sans regret, on casse tout.
Et voilà qu’on y accède, à ce bouchon. Sous cette coque, le tuyau d’évacuation fait simplement un tour et demi sur lui-même, il est complètement pincé. Le truc a été visiblement posé par des sagouins, dès la construction. Pierre coupe, branche son bout de tuyau d’évacuation que nous avions déjà changé en Irlande, assure l’étanchéité du bazar avec quelques serflex. Test. L’eau s’écoule comme jamais, d’un seul coup, en faisant bloug bloug. On n’avait jamais vu ça. Voilà, le problème est définitivement réparé. Enfin, y’a plus qu’à refaire un caisson quand même.
Mais ça, on verra demain. Il ne faut pas trop en faire chaque jour, c’est notre devise. Pendant ce temps, Gaël a allumé le barbecue. J’ai fait une salade de pâtes. Capucine a fait l’école. Le repas est prêt. Laura nous fait goûter aux saucisses à l’ail de sa Maman, une spécialité roumaine. Douces et délicieuses.
Fabrication de mangeoires à oiseaux
Cet après-midi, Gaël anime un atelier fabrication de mangeoires à oiseaux en briques de lait. Et ça perce, et ça découpe, et ça cloue, et ça trafique. Les grandes adorent. Gaël se retrouve avec quatre briques de lait accrochées à sa petite cabane de jardin. Mais Lison n’est pas rassasiée de bricolage, alors Gaël lui donne une planche, un marteau et des clous. Le rêve. La voilà qui cloue, qui cloue et qui cloue.
Pendant ce temps, Solène est Béatrice apprennent ou révisent les chiffres, à l’aide de puzzle et de peinture. L’école quoi.
Samedi 4 avril 2020. J267. C’est décidé, il nous faut vraiment passer une commande alimentaire à la police. Malgré le congélateur bien rempli de nos hôtes, que nous vidons méticuleusement, nous allons être en manque de lait et de fruits et légumes frais. La liste est faite, Laura appelle. “Ce n’est finalement pas à ce numéro qu’il faut passer commande, c’était pourtant bien celui que l’on m’avait donné… Ils vont nous rappeler”. Ha. Cela semble compliqué d’être policier et d’assurer des services à domicile. Drôle de situation pour eux.
Du coup, nous continuons à déployer toute notre inventivité culinaire pour accommoder les stocks et équilibrer nos apports alimentaires, tout en, au passage, découvrant les habitudes gastronomiques de nos deux pays. Laura nous prépare aujourd’hui une soupe roumaine, sorte de bouillon de viande et légumes assaisonné au jus de citron. Un délice. Gaël fait décongeler un cuisseau de chevreuil pour demain. Et moi je recyclerai mon reste de sauté de porc en risotto. Ça va cuisiner ce week-end.
Côté enfants, le salon de nos hôtes commence à ressembler à une salle de classe de maternelle.
Aujourd’hui nous peignons des grandes lettres que nous accrochons aux murs avec nos chiffres de la veille. Un exercice de découpage. Béatrice n’est pas encore accoutumée à la saisie de ciseaux, c’est une découverte pour elle et s’y applique avec une persévérance remarquable. On ne s’imagine pas comme c’est compliqué de maîtriser ce geste.
Dimanche 5 avril 2020. J268. Hier comme aujourd’hui, la police n’est passée qu’une seule fois pour nous contrôler. Laura en a profité pour demander des nouvelles de nos courses. La personne, sans masque, a pris notre liste, sans gants, et notre argent et est parti immédiatement au Méga Image, apparemment ouvert ce dimanche. Voilà une livraison vite faite, pour le plus grand bonheur de Solène qui va pouvoir remanger des bananes.
Ce matin, Gaël a cuisiné merveilleusement bien le cuisseau de chevreuil qu’il avait dans son congélateur. Et pour le café, comme on est des fous, nous sortons aujourd’hui ! Pierre et moi avons invité nos hôtes chez nous, autour de la petite table du petit salon de l’Emile-Pat. L’occasion de leur faire visiter notre intérieur, et de parler de la suite du voyage… Car on rêve encore à une suite, un jour. Laura et Gaël étudient l’itinéraire que nous imaginions faire en Roumanie et nous donnent leurs conseils. D’ailleurs, ils nous invitent à regarder les photos de leurs récentes vacances dans la région des Maramures, la région de montagne la plus typique du pays. Voilà, le voyage continue en photos.
Pendant ce temps, les filles me pressent. Il fait beau, elles veulent faire l’activité plantation que je leur avais promise. Capucine organise la première étape, peindre les boîtes d’œufs qui serviront de pots de graines. Puis Gaël nous permet de prendre le terreau qu’il a dans sa cabane de jardin et nous voilà en train de planter quelques une des graines que nous avons récolté en Carapate. Graines de lys des sables du Portugal, graines d’oliviers d’Albanie, de laurier de Grèce, de porte-chapeau du Danube,… On arrose, il n’y a plus qu’à attendre et observer. Est-ce que ça va pousser ? Est-ce que ça poussera avant que l’on reparte d’ici ?…
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