Dimanche 11 août 2024. Prononcez “Ôrhus”. Nous arrivons à la deuxième grande ville du Danemark, en milieu d’après-midi, avec l’envie de visiter le toit terrasse de son musée d’art contemporain.
Oui, uniquement le toit, l’art contemporain ce n’est pas vraiment notre truc. Mais sur ce toit-là il y a un couloir arc-en-ciel qui nous intrigue beaucoup. Arrivés en ville, dans un drôle de parking tout rond au milieu du jardin public, Capucine et Solène dorment. Nous les laissons récupérer tranquillement. Jusqu’à… Hey, le musée d’art ferme à 17h et il est 16h ! Départ rapide, le musée n’est pas loin, mais le toit terrasse n’est pas accessible librement, c’est une œuvre d’art, il faut prendre un ticket. Tant pis, peut-être demain. Poursuivons notre exploration du centre ville.
Médiathèque Dokk1 d’Aarhus
La ville n’est pas particulièrement jolie, installée derrière son grand port industriel. Immeubles hauts et terrasses au soleil. Plusieurs bâtiments anciens, en briques rouges, autour de la Cathédrale. Nous rejoignons la médiathèque, dans le port. S’y trouvent de jolis jeux d’enfants. Un aigle géant en bois. Solène et Lison lui montent immédiatement sur la tête et au bout des ailes. Elles sont grandes, habiles et musclées, elles n’utilisent plus jeux d’enfants de manière attendue. Elles se pendent au bout des ailes en rigolant. Derrière le bâtiment, un immense ours toboggan. Puis quelques hamacs. Ha ça c’est pour moi !
Sur le retour, un petit arrêt courses. Lison rêve de refaire des hamburger maison. Elle fait tout elle-même et ils sont délicieux. Je garde une poignée d’oignons et de fromage pour mettre dans mon pain du lendemain. Nous dormirons là, dans le parking du jardin botanique tout rond qui se vide petit à petit.
Lundi 12 août 2024. Le fromage que j’ai mis dans mon pain a une odeur de fromage à raclette (ou de pieds)… C’est particulier pour un petit déjeuner. Tiens, si j’accompagnais ça avec un œuf au plat et quelques tranches de bacon ! Nous sommes calés pour une longue journée de visite au Musée ethnographique d’Aarhus, un village reconstitué avec des maisons anciennes reconstruites ici.
Ce matin chacun raconte que Charlotte est venue dormir dans son lit. On dirait qu’elle fait la tournée des couettes en ronronnant toute la nuit. Je ne parle pas beaucoup d’elle car elle est adorable, jamais elle ne se planque, jamais nous la perdons, elle arrive à chaque fois que nous l’appelons, reste toujours proche du camping car. Ce matin nous la laissons seule pour toute la journée. Stock de croquettes, grand bol d’eau, litière propre, lanterneaux entrouverts et petite pâtée qu’elle adore et qu’on lui donne que lorsque nous la laissons seule. Elle est parée pour la journée.
Den Gamle By, la vielle ville d’Aarhus
Nous aimons bien ce genre de musée-village. Nous explorons chaque maison en ayant l’impression de rentrer chez les gens. Nous nous y perdons comme dans un labyrinthe. Nous découvrons des boutiques, des ateliers de métiers anciens. Chez le charpentier nous apprenons à assembler les poutres d’une maison à colombage. Derrière l’épicier, nous arrivons chez une dame qui nous fait goûter un porridge danois, fait de pain noir et de bière, agrémenté de lait, de sucre roux, de cannelle et de citron. Et le clou du spectacle, c’est la fête foraine de 1864, avec plusieurs jeux en bois. Compet de palets.
Appartements musée
La partie du musée qui nous a le plus surpris et intéressé, ce fût les reconstructions d’appartements des années 1974. L’appartement bourgeois, celui du jeune couple hippie à la merveilleuse tapisserie fleurie. Celui des immigrés turques. Celui de l’étudiante venant du Groenland, qui est une région autonome du Danemark. Chaque appartement est présenté par ses habitants eux-mêmes, témoignant de cette époque par une interview enregistrée. Et dans la cave de l’immeuble, un garage de mobylette et… un local scout ! C’est rigolo, on a toujours les mêmes popotes !
Pour midi, à bientôt 14h, tous les danois ont déjà mangé, nous optons pour le stand de saucisse. Dans une assiette en carton, on nous sert une grosse saucisse et une flaque de ketchup. “Voulez-vous du pain ?” Évidemment, une saucisse sans pain quelle idée ! “On ouvre le pain et on place sa saucisse à l’intérieur, comme un hot-dog” j’explique aux filles. Sauf que non, le petit pain décongelé se délite, impossible d’y placer une grosse saucisse. L’opération devient un carnage dans toutes les assiettes, nous avons du ketchup partout sur les doigts, les bras, les joues… Coup d’œil aux voisins. Non, il faut attraper la saucisse élégamment avec une petite serviette en papier et la tremper dans le ketchup, tout comme le petit pain qui est effectivement tout à fait secondaire dans ce repas. Mais le ketchup est bien fait, délicieux.
Après notre saucisse-repas, un passage dans une pâtisserie ancienne et irrésistible. Chacun choisit un petit gâteau tout mignon.
Musée Aros d’Aarhus
Arc-en-ciel ? Est-ce qu’on est assez fatigués pour aujourd’hui ou est-ce qu’on enchaîne avec le musée d’art contemporain ? “Si on paye l’entrée, on visite toutes les salles, pas que l’arc-en-ciel” je préviens les filles. Toutes sont partantes, mais on commence par le toit ! Les musées danois sont chers, entre 15 et 20 euros par adulte mais les enfants ne paient pas. Pour nous le total est avantageux. Nous filons, le musée est à deux pas. Billet, garde-robe, ascenseur. Nous voilà direct au septième ciel.
L’arc en ciel d’Aarhus, le toit du musée Aros
Nos yeux ont du mal à faire la balance des couleurs, toute vision autour de nous est faussée. Le ciel n’est plus bleu et la ville n’est plus grise. Et quand on avance, elle change de couleur. Déstabilisant et féerique. Les filles jouent comme des folles à faire des photos psychédéliques.
Le toit-terrasse aussi est remarquable. Un arc-en-ciel posé là, comme une auréole juste au dessus de nous. Le tour du toit-terrasse nous permet admirer l’œuvre sous tous les angles qu’elle n’a pas. Et puisque nous avons envie de profiter de l’endroit, rien de mieux qu’une petite boisson là, sur cette terrasse bien agréable. Moment véritablement bonheur.
Aros, musée d’art contemporain
Bon, c’est qu’on a un musée à visiter aussi. Notre temps commence à être un peu serré puisqu’il est 16h et que notre stationnement est payé jusqu’à 17h30. Nous avons une grosse heure pour traverser les 4 étages d’exposition. C’est parti.
Le premier rassemble une collection de peinture, impressionniste et moderne, très jolie, nous sommes surpris. Les impressionnistes danois me sont inconnus, mais ils rivalisent avec les grands noms du genre.
Les sculptures-personnages de Ron Mueck
Au second étage nous découvrons trois humains de Ron Mueck. Le premier est un petit garçon géant, planqué dans un coin du musée, comme s’il était apeuré d’avoir été abandonné ici. Hyper-réaliste.
Face à lui un bébé géant, un nouveau-né au visage encore écrasé par son passage à travers le bassin de sa mère, et des traces de sang sur tout le corps. Hyper-réaliste. Son cordon est gorgé de sang, ses cheveux encore collés, ses yeux sont entrouverts et nous regardent. Pierre y reconnaît ses bébés avec émotion. Moi j’ai l’impression de voir un vrai bébé immobile, comme figé par la mort. Sentiment très étrange. “C’était pas très élégant et le garçon il faisait peur parce qu’il nous regardait” raconte Solène. “C’est stylé” conclut Capucine. “C’est à dire ? Ton ‘stylé’ a mille significations. Bah j’aurais jamais eu la patience de faire tous ces détails” précise-t-elle. À côté, toute petite, une femme porte son bébé dans son manteau et deux lourds sac de courses. On sent tout le poids de la maternité sous ses traits tirés et dans ses yeux qui manquent de sommeil et d’aide. Son nouveau-né l’observe, interrogatif. Dans quelle galère a-t-il débarqué ?
Après avoir travaillé dans les effets spéciaux de cinéma, Ron Mueck s’est mis à réaliser des personnages qui ne sont plus destinés à être vus que sous le seul angle de la caméra, devenant hyper-réalistes sous toutes les coutures. Ses sculptures monumentales reproduisent des corps humains dans leurs plus minutieux détails grâce au silicone, à la résine polyester et à la peinture à l’huile. Derrière la précision clinique, un goût du morbide transparaît, accentuée par leurs dimensions anormales.
Richard Mortensen
Les autres pièces du musée n’arrivent pas à nous toucher autant. L’étage de Richard Mortensen, nous redonne des couleurs. Et dans les installations du sous-sol, nous retrouvons l’art contemporain que nous n’aimons pas. Installations lumineuses. Une vingtaine de vidéos projecteurs sur des étagères tournantes projettent des images, forcement floues, pour “nous sensibiliser au respect de la planète”. Autant d’effets spéciaux sont un contre-sens.
Et plus loin un dégât des eaux est présenté comme une œuvre d’art. Là ç’en est trop pour nous. On aurait pu ouvrir un musée d’ art contemporain chez nous, ça nous aurait payé les travaux de réparation de notre dégât des eaux l’année dernière…
Retour dans notre parking tout rond, Charlotte est contente de nous retrouver, il n’a pas fait trop chaud à l’intérieur, elle sort se rouler dans les graviers. Où allons-nous dormir ce soir ? J’ai repéré une jolie plage à la sortie d’Aarhus, avec un ponton tout rond et tout design. Go.
Parc des cerfs de Marselisborg
En nous stationnant, un troupeau de daim passe devant nous, derrière un grillage. Attention, concert de couinements : “Hoooo, ils sont trop choooouuuuuuu… J’y crois paaaaaaasssss…. Trooooopppppp mimmiiiiiiiii!!!” Trois filles devant des bambis, ça fond.
Le parc est en accès libre, elles sont déjà de l’autre côté du grillage avec des animaux collés à elles. Ces daims ont l’habitude d’être nourris par les visiteurs, malgré les interdictions, alors ils viennent quémander chaque nouvel arrivant. Moi, je regarde Charlotte sous le camping-car, elle analyse la situation. Charlotte a grandi avec un chien là où elle est née. On a déjà remarqué qu’elle n’avait pas peur des chiens et aujourd’hui, ces gros toutous n’ont pas l’air de l’impressionner. Elle avance doucement, museau tendu, vers un daim allongé contre le grillage. Lorsque ce dernier s’aperçoit de sa présence, il bondit et se carapate. Rigolimarouillade. Quand elle sera grande, elle nous chassera une biche pour le dîner.
Den Uendelige Bro, le pont infini
Après l’étape daims, le plouf. Tout le monde enfile son maillot et nous partons tester ce ponton tout rond. Effectivement, il est très beau et amène loin au dessus des vagues. L’eau est trop froide pour moi. Les filles jouent bien, heureusement Pierre les accompagne avec bonheur, mais le vent froid les frigorifie à la sortie.
Tous au chaud dans notre petit cocon, douche, pyjama, un œil sur les daims, on est tellement bien. Ce soir, c’est fromage, oignons et champignons que je jette dans mon pain de demain.
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