Mardi 10 septembre 2019. J71. Après notre longue balade sur la crête de Black Mountains, nous aurions pu choisir de nous requinquer au chaud de L’Emile-Pat. Mais non, Cardiff, capitale du Pays de Galles, nous fait de l’œil.
Passé le col Gospel sur une route minuscule mais sublime, nous redescendons dans la vallée et notre route ne s’élargit pas d’un poil. L’Emile-Pat passe dans des tunnels de végétation et caresse les feuilles de la capucine aux rétroviseurs. Et ce qui devait arriver arriva : un tracteur avec remorque face à nous… Heureusement, il n’hésite pas à enclencher une longue marche arrière en roulant parfois contre les hauts accotements avec ses grosses roues. Nous croisons comme ça plusieurs véhicules.
Cardiff, ville de Roald Dalh
À Cardiff nous trouvons un stationnement très proche du centre ville, youpi ! Puis je me souviens que Cardiff est la ville de l’auteur préféré de Capucine : Roald Dalh. Et je découvre qu’une place lui est dédiée… Sur la baie, à 30 minutes de marche…
Nous décidons tout de même d’y aller et les curiosités de la ville nous font zigzaguer. Nous longeons les murailles imposantes du château de Cardiff et ses animaux de pierre qui gardent son parc. Nous manquons de nous faire enfermer dans l’une des ses « Arcades », de jolies rues commerçantes couvertes par de jolies verrières de style victorien. Et nous trouvons une merveilleuse fromagerie qui venait tout juste de fermer ses portes…
La place Roald Dalh est immense et un peu vide en ce mardi soir. Une bâtiment très rouge attire notre attention. Il s’agit de Pierhead, le bâtiment historique de L’Assemblée Nationale Galloise. En chemin, nous passons devant le bâtiment futuriste du centre culturel de Cardiff, aux façades rouille façon musée Soulages, mais tout en rondeurs. Nous avions déjà beaucoup marché aujourd’hui dans les Black Mountains et le chemin du retour me paraît interminable. Mais comme ce matin, il n’y a que moi qui me plaint. Capucine et Lison mettent un pied devant l’autre en se racontant des blagues. Elles m’impressionnent. Pause dîner bien méritée dans un « Burger Gourmet ». Pas très typique mais kids-friendly et requinquant.
En fin de journée nous recevons un message de Leuan, le cousin gallois de Jenna, une amie ruthénoise qui nous a mis en contact avec lui. Il nous invite à boire un verre quand nous passerons à Cardiff. Oups… Nous avons prévu d’en partir ce soir. Mais l’invitation du gallois est irrésistible. Nous conclurons à une rencontre demain, entre la fin de ses cours (il est professeur d’école) et le début de son entraînement de foot. Dans la journée, nous visiterons l’abbaye de Tintern comme prévu et reviendrons à Cardiff en fin de journée.
Mercredi 11 septembre 2019. J72. Leuan nous a donné rendez-vous dans un grand parc. Nous nous stationnons facilement mais à une centaine de mètres de là, se trouve une aire de jeux pouor enfants que les filles ne manquent pas de repérer. OK, nous attendrons le gallois aux jeux d’enfants. Lorsque nous verrons arriver un homme seul sans enfant entrant dans l’enclos, nous saurons que c’est lui. Et ça ne manque pas ! Leuan nous rejoint à l’heure et accompagné de son ami Ifan. Très vite nous faisons connaissance.
Leuan est un jeune professeur d’école. Il enseigne à des 9-10 ans et c’est cette année sa deuxième rentrée scolaire. Leuan parle bien français, depuis qu’il est petit, il passe ses vacances d’été en Aveyron, dans la partie française de sa famille. Son ami Ifan travaille sur les graphismes d’un jeu télévisé. Il nous explique, c’est assez amusant. Son émission s’installe dans les écoles du Royaume-Uni et organise un jeu de type « escape game » pour un groupe d’élèves. Ils sont enfermés dans leur école qui a été envahie par des zombies et doivent s’en échapper en réalisant des épreuves, trouvant des codes secrets,…
Capucine est très intéressée par cette découverte, elle qui aime organiser des jeux. Je crains que ça lui donne de drôles d’idées. Moi, je préférais le chevalier boute-sel aux zombies…
Le Pays de Galles et le Brexit
Lorsque les deux jeunes hommes nous parlent de leur vie à Cardiff, ils en viennent très vite à évoquer leurs inquiétudes vis-à-vis du Brexit. Autour d’eux, les jeunes ont tous voté pour rester dans l’Union européenne. Depuis trois ans, les hommes et les femmes politiques disent qu’il va se passer ceci et cela, et à chaque fois rien ne se passe. Ils nous disent n’avoir plus aucune confiance dans les politiques.
Leuan enseigne en gallois et ses élèves ont l’anglais et le français comme « langues étrangères » dans leur programme. Ce genre d’école galloise se développe dans tout le pays de Galles. C’est un phénomène nouveau, ses propres parents n’ont pas appris le gallois à l’école comme cela. Depuis plusieurs années, le gouvernement encourage la langue, comme une marque culturelle d’indépendance vis-à-vis de l’Angleterre. Dans les zones les plus reculées du pays de Galles, les plus anciens ne parlent que gallois depuis toujours et beaucoup ne savent pas vraiment parler anglais. Leuan m’explique qu’aujourd’hui, parler gallois est un vrai plus pour trouver un emploi, alors les parents inscrivent massivement leurs enfants dans les écoles galloises et les écoles anglaises ferment. Je suis scotchée d’apprendre cela. Les gallois entretiennent depuis toujours leur particularité vis-à-vis de Londres qui à leurs yeux ne se préoccupe pas assez d’eux. Et le bazar Brexit fait rêver certains d’indépendance. La semaine dernière, à l’occasion d’un match de foot important où les spectateurs sont venus de tout le Pays de Galles, une « marche pour l’indépendance » a rassemblé beaucoup de monde dans les rues de Cardiff.
Les deux jeunes sont aussi assez interloqués par notre voyage. L’ami de Leuan est venu car il rêve avec sa copine de partir un jour pour un long road-trip. Nous leur faisons visiter L’Emile-Pat, expliquons notre itinéraire… Mais vient déjà l’heure de se saluer. Leuan doit se rendre à son entraînement de foot. Nous échangeons un magnet et nos Instagram. Merci pour la rencontre !
Brexit, et conséquences ?
Le Brexit, voté en 2016, est entré en application le 1er janvier 2021. Notre traversée du Royaume-Uni en 2019 s’est faite dans cette période de tourmente, de négociation avec l’Europe des conditions de sortie, de regrets pour certains ? Que ce soient des écossais, des expatriés français, des anglais, beaucoup de personnes avec qui nous avons discuté ont naturellement glissé vers ce sujet angoissant pour eux. Les velléités d’indépendance écossaise dans l’histoire ressurgiraient-elles à l’occasion du Brexit ? En redescendant le Red Screes dans le parc de Lake District, un anglais nous dit son intention de prendre passeport irlandais pour pouvoir sortir de la prison que sera la Royaume-Uni. Notre visite de Londres a coincidé avec des manifestations pro et anti Brexit. Nos amis français qui vivent en Ecosse quant à eux accélèrent leur projet de retour en France. Gérard, entrepreneur en restauration témoigne sa difficulté de recruter son personnel de cuisine et de service, et la difficulté d’approvisionnement. Avant son entrée en vigueur, le Brexit a déjà fortement impacté l’attractivité économique du Royaume-Uni auprès des étrangers.
Laisser un commentaire