Sur le sentier des ours

Mercredi 9 août 2023. Guitiriz, Espagne. 7h. “Papa, je peux aller jouer à la rivière ?” demande Solène. Elle s’habille rapidement et sort.

Piscine naturelle, tout nu

Le reste de la famille dort encore. Lison a ouvert un œil. Pierre lui propose d’aller se baigner dans les piscines naturelles avant le petit déjeuner. Partante ! Ils passent chercher Solène et partent. Moi, je n’ai aucune envie de me baigner, mais je veux bien voir ça quand même. Je les rejoins rapidement. L’endroit est très joli, mes trois comparses sont déjà dans l’eau, culs-nus. L’eau est glacée, ils ne font qu’une traversée et le retour et sortent rapidement. Je suis là pour les accueillir avec leurs serviettes. On se rhabille rapidement. Vivifiant.

La nuit a été très fraîche et nous avons bien dormi. Basile a adoré cette forêt, il semble fatigué ce matin. Il est monté dormir en boule dans notre lit. Aujourd’hui nous continuons notre quête de fraîcheur en rejoignant les montagnes, le Parc naturel de las Ubiñas-La Mesa. Nous avons 2 heures de route et un petit arrêt courses. 

Sentier de l’ours

Nous sommes à Proaza vers 14h, à une aire de pique nique d’où l’on peut attraper le sentier des ours, une voie verte que nous avons prévu de parcourir à vélo. Mais pour l’instant, l’urgence est de déjeuner. Nous nous installons dehors, à l’ombre. Malgré la haie touffue, il fait très très chaud. Il n’y a pas d’air. Nous ne sommes pas suffisamment en altitude pour avoir gagné en fraîcheur.

Nous hésitons même à prendre le départ à vélo. C’est Lison qui nous décide, elle ne voit pas pourquoi nous hésitons. Elle est prête. Son Papa part avec elle. La piste fait 16 kilomètres en montée douce, puis le retour. C’est une ancienne voie ferrée minière qui reliait la ville d’Oviedo, centre d’une importante zone industrielle.

Lison et papa à vélo sur le sentier de l’ours

Le parcours se fait soit au bord de la rivière sous les arbres, soit dans un enchevêtrement de tunnels. Nous restons donc au frais, sur une douce montée, c’est agréable. Nous pédalons sans discontinuer. Je repère les balisages kilométriques, et j’informe Lison à chaque fois que nous engloutissons un kilomètre supplémentaire, histoire de conserver sa motivation.

Dans le sac à dos, le téléphone, “au cas où”, et un paquet de biscuit pour la pause à Entrago. C’est largement suffisant. Parce que le délire de Lison et de son papa c’est de se baigner à poil dans les rivières. Pas besoin d’emporter de maillot de bain.

Nous atteignons le village d’Entrago, point de retournement pour redescendre tout ce que nous avons grimpé. Avant l’arrivée nous passons devant un magnifique spot d’escalade, ça donne des idées pour plus tard, quand les filles seront grandes et qu’elles auront passé leur ceinture noire d’escalade.

Biscuits, remplissage de la gourde d’eau au parking d’Entrago où squattent de nombreux camping-car et vans ; des cyclistes ou des grimpeurs de parois. 

La redescente se fait rapidement, Lison et moi nous nous lançons d’implicites défis : rouler jambes écartées façon étoile, se dépasser à fond pour surprendre l’autre, se mettre debout pour attraper les feuilles des arbres, …

Mine de rien, sans trop nous en rendre compte nous avons parcouru 32 kilomètres. Bien qu’il y avait du mode, nous navons pas été gêné car nous étions un peu à contre-courant du flux : la majorité des promeneurs louent leurs vélos à des prestataires sur place. Nos horaires étant un peu bâtards, nous sommes partis au milieu de l’après midi et sommes rentrés le soir, nous avons été tranquilles.

La fondation de l’ours

Pendant ce temps, avec Capucine et Solène nous partons visiter la fondation de l’ours, dans le village. Mais l’exposition est vieillissante et bringuebalante. Nous parcourons un peu le sentier de l’ours jusqu’à des enclos qui recueillent quelques pachydermes qui ne sont pas aptes à vivre seuls. Une passerelle permet de mieux voir.

Molina, l’ourse du sentier de l’ours

Nous rencontrons Molina, une ourse de 10 ans. Nous avons le temps, alors nous restons avec elle, à l’observer et à la dessiner. Elle farfouille pour trouver des mûres à manger, ou des cacahuètes que quelques imbéciles lui envoient. Elle se gratouille, fait sa toilette,… Puis elle plonge dans sa petite piscine, se prélasse, en sort et se secoue la fourrure. Spectacle.

Nous restons ici jusqu’à ce que Lison et Pierre reviennent. Capucine meurt d’envie elle aussi de faire du vélo, pas moi, il est presque 19h, je trouve qu’il est trop tard. Mais son père lui a déjà donné son vélo et lui explique un petit bout de parcours qu’elle peut faire. J’ai juste le temps de lui mettre mon sac sur le dos pour qu’elle puisse partir avec son téléphone, elle s’échappe. 13 ans, elle part seule dans un pays étranger. Pas de problème. 

Pendant ce temps nous restons avec Molina. Un ruisseau passe à côté, Solène et Lison s’y installent pour jouer. J’avoue que je m’impatiente. J’ai besoin de rejoindre le spot de ce soir, que j’ai précisément sélectionné pour être bien en altitude, au plus frais possible. Capucine nous rejoint vite, le parcours indiqué par son père n’était pas très long. Les vélos partent devant. Nous suivons à pieds. Retrouvons l’Emile-Pat et commençons l’ascension. La petite route de montagne est délicate. Pentue et étroite. Mais nous faisons confiance aux notes laissées par les utilisateurs de Park4night, normalement, avec notre gabarit, ça passe. Pierre est concentré. Nous montons au col de Linares, à 800 mètres d’altitude. Ça suffit pour y trouver une brume fraîche et une vue splendide sur les pics environnants.

Capucine avait choisi le menu de ce soir au magasin ce matin, elle le cuisine seule pendant que je fais du rangement. Pierre, Solène et Lison partent explorer les environs et reviennent avec un petit pot de mûres. Nous sommes très bien ici.

Mirador de la cruz de Linares

Jeudi 10 août 2023. Mirador de la cruz de Linares, Espagne. La nuit sera fraîche et le matin splendide. Cette vue est à couper le souffle. Pendant que mon pain cuit, je fais un tour dehors pour admirer la vue de tous les côtés. J’ai repéré une piste qui part pas derrière, nous irons l’explorer avant de redescendre faire notre sentier des ours avec Solène et Capucine. Nous n’avons que 3 vélos derrière le camping car, alors c’est chacun son tour.

Randonnée depuis le mirador de la cruz de Linares

Un pique nique dans le sac, nous partons à travers les pâtures et Basile nous suit. Quelques chevaux paissent, les filles passent du temps avec eux. Capucine adore s’en rapprocher doucement, voir éventuellement leur tresser la crinière s’ils se laissent faire. Les sœurs suivent.

Pierre, lui, a rempli le sac de pique nique de pots pour ramasser des mûres. Elles sont grosses et bien mûres ici, irrésistibles. Il disparaît lui aussi dans les ronciers de ce pâturage. J’avance seule, avec mon chat. Impressionné par les animaux, il reste près de moi. Après les chevaux, il y a quelques vaches. Toutes ont une cloche qui tinte, Basile aussi a sa clochette de chevreau au bruit plus aigu. Il trottine derrière moi, je sais qu’il est là.

La randonnée du chat

La pâture passée, nous rejoignons une longue piste au soleil. Les paysages sont toujours très beaux, mais la marche est plus difficile pour Basile. Quand il râle, on s’arrête sous une petite ombre sous les ronciers. Lui trouve un tuyau sous la piste, il s’y engouffre pour avoir de la fraîcheur. Il est drôle, quand il y a un bruit, il sort sa tête de commère pour voir ce qu’il se passe. Un paysan arrive en voiture pour voir ses vaches, il sort de son trou pour aller lui inspecter la carlingue. Nous pique-niquons devant ce spectacle.

Le retour est plus compliqué. Quand il fait trop chaud ou qu’il est fatigué, Basile a pour habitude de se planquer pour se reposer et attendre que la fraîcheur revienne. Mais nous n’avons aucune envie d’attendre ici. Il faut le porter pour rentrer et surtout ne pas le lâcher. Il râle. Je le porte dans les bras, sur une épaule, l’autre épaule, les deux épaules, comme un sac de pommes de terre, nous rentrons. Les filles sont parties devant, elles retournent aux chevaux.

Arrivés au camping-car, Basile se couche en dessous et ne bouge plus. Pierre commence à s’occuper de ses mûres. Les filles sont toujours aux chevaux.

Nous profitons d’un début d’après-midi tranquille avant de redescendre faire notre tour à vélo. J’en profite pour coudre une pièce sur un trou dans les housses de banquette, quatrième pièce. Elles se font vieilles.

Tu veux une balade à cheval ? Tu l’organises…

Quand les filles reviennent, elles demandent si, avec leur argent de poche, celui qu’elles gagnent en faisant des services à la maison, elles peuvent s’offrir une balade à cheval. Nous sommes d’accord, mais à elles de l’organiser. Défi. Sur Google maps, Capucine trouve une écurie pas loin d’ici. Son site internet présente bien la possibilité de faire des balades, 30€ les 2 heures. “Ok, vous pouvez appeler pour réserver. Préparez ce que vous avez à demander au téléphone.” Sur un bout de papier, Capucine écrit la demande, en anglais car elle maîtrise mieux.

Par contre, elle redoute d’appeler elle-même. Lison, qui n’a peur de rien et a très envie de faire cette balade, prend la main. Elle s’entraîne, répète la demande en anglais. Compose le numéro. “Holà !” quelqu’un répond. “heuu… Hello” commence Lison. “No hablo inglés” lui répond l’homme. Tétanisée, Lison ne sait plus quoi dire. Je tente de prendre le relais, mais les mots espagnols ne me viennent pas non plus. “Escoucho” s’impatiente cette pauvre personne. Panique à bord. Je tend le téléphone à Pierre et il baragouine ce qu’il faut. Il n’a pas tout le vocabulaire mais fait comprendre que nous voudrions faire une balade à cheval demain. Ils ne se sont pas entendus sur les détails, mais pour simplifier l’homme nous dit de venir demain à 17h, nous verrons sur place. Entendu. “Qual es tu nombre ? Heu Carayol, C A R A… No, tu nombre ! Pedro ! Si, hasta la mañana Pedro !” Fou rire dans la Carapate.

Re-descente du sentier de l’ours à vélo depuis Entrago

À 16h30 nous redescendons de notre montagne. Capucine insiste pour faire le sentier des ours uniquement en descente. Pierre nous dépose à Entrago, nous nous équipons, nous partons toutes les trois. Solène est trop heureuse de cette aventure. Elle roule en parlant. Elle parle, elle parle, elle parle. La piste est parfois déglinguée, elle apprend à se mettre debout sur les pédales pour passer. Nous arrivons vite à la traversée de plusieurs tunnels, au milieu de gorges escarpées. C’est vraiment très beau. La route ne fait que descendre, ce n’est pas physique du tout, à part pour les doigts qui maintiennent les freins.

Au bout de 16 kilomètres de descente, nous retrouvons notre ourse d’hier et la petite rivière que Solène avait tant aimé. Pause. Avant de retrouver Pierre et Lison au parking. Eux se sont occupés du camping car, ont fait le plein d’eau potable et se sont trouvé un autre endroit pour se baigner encore culs-nus dans la rivière.

Avec Capucine, nous chargeons les vélos à l’arrière. Et embarquons. Pour ce soir, j’ai trouvé un spot au parking d’un sanctuaire. Nous nous installons au plus haut, sur l’herbe, devant le cimetière et le sanatorium. Il ne faut pas redouter de dormir à côté des morts. De l’autre côté, la vue est sublime. Le soleil se couchera bientôt, une messe se termine, il est 20h. Pierre poursuit sa confiture mais je l’installe dehors pour libérer ma cuisine et préparer le repas. Il presse ses fruits dans un tissu, les doigts ensanglantés, toujours devant ce cimetière. Lison cuisine avec moi, prépare le pain puis une pâte à crêpes.

Je suis contente car demain, en attendant l’heure de la balade à cheval, nous allons pouvoir visiter un centre d’art rupestre qui est tout à côté et très réputé.

La soirée est joyeuse. Nous rigolons beaucoup ensemble.

Voir des ours en quasi-liberté

Pour maximiser vos chances de voir de “vrais” ours en liberté, une seule solution : se promener en Roumanie.

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