24 mai 2019. « Fermez les yeux. Respirez. Soufflez doucement. Profondément. Votre souffle parcourt tout votre corps, votre ventre, jusqu’à vos pieds au bout de la table. Vous êtes bien. C’est le jour de votre départ en Carapate. C’est vous qui conduisez. Vous êtes au volant, vous surplombez la route, on est haut en camping-car ! Et puis vous roulez doucement parce que ça n’avance pas bien vite, hein, un camping-car ? Alors vous regardez le paysage qui défile, vous avez le temps. Vous partez. Vous sillonnez les routes de France. Vous rejoignez la Belgique… » « Madame, je vais piquer maintenant, je peux ? »
« Hé bien oui, allons-y… » Pendant que l’infirmier anesthésiste me fait planer, moi, en réalité, je suis allongée dans le bloc opératoire pour que la gynécologue aille m’enlever par hystéroscopie l’ailette cassée de mon stérilet qui, en se plantant dans ma trompe de Fallope, avait visiblement lui aussi très envie de partir à l’aventure avec nous. Un bilan de contrôle-avant-départ l’avait détecté. Un stérilet mal placé, c’était le risque de partir à 5 et de revenir à 6. Il fallait bien l’enlever…
Avec l’hystéroscope, une caméra dotée d’une optique tout en longueur qui s’introduit jusqu’à l’ailette, le geste médical est facile et le bout de plastique est enlevé du premier coup. Même pas le temps de prendre une photo ! Je suis presque déçue. Mais tout le tralala du bloc opératoire, c’est autre chose. C’est une fourmilière où tout le monde s’active dans tous les sens. Dès mon arrivée, une succession de gens viennent me voir pour me faire l’anesthésie générale qu’il font à chaque patient. « Mais non, je n’en veux pas, le docteur m’a dit qu’une anesthésie locale suffisait… ». « Ha bon ! Vous êtes sure ? » « heu oui, enfin, ché pas, j’ai peuuur… ». L’installation n’en finit pas, des gens rentrent, sortent passent, ça fait du bruit, on ne peut pas voir ce qu’ils trafiquent. Franchement, c’est le plus désagréable. Heureusement, vraiment, que cet infirmier anesthésiste se soit occupé de moi de la sorte. C’était cocasse, mais efficace.
A ce moment là, nous partons dans 38 jours, notre to-do-list s’est épurée. Déscolarisation des enfants et achat des supports scolaires. Bilans de santé, vaccins et trousse… non, sacs à pharmacie. Cartes vitales européennes. Information de l’inspection d’académie, du maire, de la Caf. Passeports. Contrôle technique, changement des pneus, d’un joint de fenêtre, et autres détails mécaniques… J’ai même appris à poser des fermetures-éclair et j’ai réalisé des housses de coussins pour le salon d’Emile-Pat’, en les rembourrant des pantalons de ski des enfants ! Génial, non ? C’est pas qu’on prévoit de faire du ski, mais en habitant dans 8 m² pendant 1 an, il nous faudra pouvoir sortir dehors par tous les temps !
On pense aux fêtes d’avant-départ. On regarde plus précisément pour la réservation des traversées maritimes. On contacte les gens qu’on va aller voir en juillet et on est même capable de leur donner une date un peu précise. On a réussi à vider l’atelier (un exploit incroyable !), il nous reste à le re-remplir pour vider la maison… et ça, ça n’est pas une mince affaire. Reste encore la redirection du courrier, les procurations pour les élections municipales… Mais l’ailette est enlevée, moi, je suis prête à partir !
La dernière blague de cette journée qui décidément restera mémorable, c’est que notre voiture s’est mise à fumer. Le soir, en rejoignant les copains à l’inauguration du nouveau cabinet de l’un d’entre eux, une vapeur blanche s’est dégagée du capot, accompagnée d’une méchante odeur de plastique fondu. On a réussi à se garer, on était arrivé. Mais le lendemain, en retournant la voir de plus près, Pierre est inquiet. Selon lui, le pronostic vital est engagé. A presque 300 000 km, on pensait arriver à la pousser jusqu’à notre départ. Elle risque elle aussi de faire partie de cette page qui va se tourner.
Crédit photo : Roland Farkas
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