Le long de l’Elbe

Mercredi 12 août 2020. Bon, déjà il va falloir commencer la journée par s’occuper de nos corvées d’intendance. Faire un plein d’eau parce qu’avec cette chaleur, nous prenons des douches tous les jours et même les enfants se sont mis subitement à aller à la douche sans râler. Faire les services. Et faire les courses car nous avons le frigidaire complètement vide. Depuis dimanche, j’ai réussi à nourrir mon monde quelques jours de plus mais là, la situation devient quelque peu critique. Après ça, nous devons rouler plus de deux heures et nous aimerions de surcroît faire une balade, voir même deux. Le programme est ambitieux. Commençons par les corvées.

Question itinéraire, ça s’est bousculé dans notre tête. Rentrer juste après Berlin ? Ou faire une échappée à Prague, comme prévu initialement ? Après moultes tergiversations dont je suis la spécialiste, c’est Prague qui l’a emporté. Le programme est posé, je consulte les amis que nous passerons voir sur notre route de retour pour confirmer les dates. Ajustements. C’est calé, nous retrouverons Rodez et notre maison dimanche 23 août, au matin. Dans dix jours tout juste.

Hé bien, ça fait un bien fou de le savoir. Nous sommes très heureux de rentrer chez nous. Et très heureux de s’offrir une dernière capitale. Le GPS est branché. Cap au sud. Direction La Suisse saxonne, côté allemand. Le Grès de l’Elbe, côté tchèque.

Route. Services. Courses. Il fait très chaud mais nous arrivons à trouver un chouette spot pour déjeuner, à l’ombre le long de la rivière Elbe où nous pouvons regarder passer les canoës, les bateaux de vacanciers, un taxi-bateau, un gros faux bateau-vapeur avec roue à aube qui klaxonne, et un tout petit paddle. Un paddle de voyage, avec une cargaison étanche harnachée à l’avant. Nous le saluons. Encore un peu de route et nous arrivons à notre petite balade du jour, le pont du Bastion

Le Bastion en Suisse saxone

C’est une formation rocheuse sculptée par l’érosion, sur laquelle a été construit un pont en grès qui permet d’accéder à un point de vue panoramique sur la vallée. L’endroit est très touristique mais aéré. Quand nous y arrivons, nous retrouvons notre colère désormais habituelle avant une balade « J’veux pas y aller ! Reste dans l’Emile-Pat. Non je vais m’ennuyer. »… Mais cet après-midi, je n’ai pas la patience des autres jours.

J’abandonne Capucine avec son père et pars avec mes deux autres filles. Capucine finira par suivre, mais sans arriver à sortir de son mal-être et sans parvenir à profiter de l’endroit. C’est dommage, car les paysages sont vraiment très beaux.

Pour demain, nous aimerions faire une grande randonnée, aller voir une arche en grès très connue et revenir par une étroite gorge. 15 km. Entre la chaleur actuelle, et potentiellement le nombre important de visiteurs, nous ne voyons qu’une solution pour que la randonnée ne soit pas un enfer : partir à l’aube. Mais vraiment à l’aube. Genre 6h du matin. Nous proposons l’idée, réveil à 5h, rando à 6h, à midi on a fini et on fait la sieste. Les filles sont surprises, quelle drôle d’idée de se lever si tôt pour une randonnée, mais les idées tordues, elles aiment ça. Le matin, c’est l’heure des animaux. Vendu !

Jeudi 13 août. 5h, ça pique quand même. Heureusement, la température s’est drôlement adoucie près de l’Elbe et nous avons bien dormi. Capucine et Lison se lèvent avec enthousiasme. Pour Solène, c’est plus compliqué. Laissons-la dormir. Deux minutes de route et nous nous stationnons sur le grand parking vide. La guitoune du gardien est close, nous paierons les 12 € plus tard, ou pas. Solène a accepté de sortir de son lit, une tartine à la main, c’est parti.

Un petit canal à traverser sur des cailloux, l’aventure commence. Une route d’abord, puis une affreuse piste forestière autour de laquelle les arbres sont tous coupés, nous arrivons en sous-bois. Solène, qui a grimpé jusque là en sautillant, refuse maintenant d’aller plus loin et monte finir sa nuit sur le dos de son Papa. 13 km à la porter et la montée est franche.

Pravčická brána, Tchéquie

Exceptionnellement, personne ne fait de bruit ce matin, nous montons en silence, espérant voir quelques animaux. Le moment est plus qu’agréable. Il fait frais et la luminosité est douce. Un pic épeiche s’acharne sur un arbre mort. Il tape dessus de toutes ses forces et sans relâche. Puis un second. Plus loin, c’est un gros lièvre que Capucine aperçoit sous les fourrés, qui vaque lui aussi à ses activités.

Le chemin nous mène à l’arche de grès, la porte Pravcice, que nous pouvons apprécier par dessous. Au bout de ce long chemin sans route, un hôtel est coincé entre deux falaises. Et tout au bout, nous tombons sur une grille close. L’entrée au site de l’arche est payante. Et fermée à cette heure-ci. La nature privatisée. Il est huit heures, pas question que nous attendions l’ouverture à dix heures. Une pause goûter, et c’est reparti. Le chemin se poursuit en longeant la falaise de grès, en une légère descente. De belles parois nous surplombent et de beaux arbres nous protègent du soleil qui est bien levé maintenant. Les moulins à parole aussi ont démarré leur journée. Capucine est une grande bavarde. Elle nous parle pour la millième fois de ses souvenirs d’école. Vivement qu’elle y retourne, à l’école, pour avoir des nouveautés à raconter.

Lison, d’habitude plus rêveuse, se met à me poser mille questions sur la vie et le monde. Et Solène, qui a fini sa nuit, poursuit ses rêves en nous racontant comme l’on vit au Pi-clou, son pays imaginaire. Sur les gros quatre kilomètres de redescente, les trois moulins ont tourné. Puis nous arrivons au village de Mezni Louka où notre boucle fait demi-tour en passant par des gorges étroites. En étudiant plus précisément les panneaux touristiques, nous comprenons que sur une partie du chemin, la gorge est trop étroite et qu’il faut prendre une petite barque touristique. La nouvelle aurait pu nous réjouir, mais nous imaginons qu’ici aussi il faut payer et nous n’avons que notre carte, et cinq euros. Sur les parkings désormais ouverts, nous avons vu que les guichetiers avaient un terminal de paiement par carte. Descendons, nous verrons bien.

La gorge est profonde et l’ambiance y est fraîche. Le chemin est creusé sous les parois des falaises de grès. Les filles les parcourent en courant, même pas fatiguées, jusqu’à une grande terrasse, un bar, et le départ des bateaux. Au guichet, il y a bien un terminal de paiement. Rassurés, nous profitons de la grande terrasse pour faire une belle pause. Nous avions embarqué un saladier de pastèque coupée. Du frais et du sucre. Quelques biscuits. Deuxième goûter de la matinée. Il est onze heures. Au guichet, la caissière nous refuse notre carte bancaire, sans bien comprendre à quoi sert alors ce terminal, elle ne parle pas anglais. Mais devant notre embarras, le gondolier nous offre carrément le passage. 14€, mine de rien ; si on multiplie par le nombre de familles qui commencent à s’amasser par ici ça fait un gros oreiller. Un geste salvateur car sans ça, nous aurions dû prendre le chemin à rebrousse-poil sur quelques dix kilomètres avec un fort dénivelé. Alors que le bateau nous ramène presque au parking. Nous embarquons immédiatement dans une grande barque verte avec une vingtaine de personnes, un gondolier pour capitaine. L’ambiance est joviale. Notre homme décrit les rochers qui nous entourent, en tchèque et en allemand. Nous arrivons tout de même à attraper quelques mots. T-rex, éléphant, singe,… Ici l’eau est haute et calme, retenue par un barrage artificiel au bout du parcours.

Retour au parking le long de la route. Ce matin nous étions les seuls, maintenant il est plein à craquer. Notre guichetier semble occupé par autre chose, nous embarquons rapidement et déguerpissons. C’est pas bien, mais nous n’avons pas payé les 12€ de parking. L’ensemble de cette randonnée aurait dû nous coûter 36 €, ce qui est critiquable pour profiter d’un joli coin de nature. Nous préférions les pays du nord et leurs aménagements gratuits partout. Bref, c’est l’heure du déjeuner et surtout, de la sieste. Nous trouvons un coin de parc tranquille dans la prochaine ville de Dečin. Mais il n’y a pas d’air et maintenant le soleil tape de toutes ses forces. Malgré les fenêtres grandes ouvertes, nous cuisons à petit feu.

Voilà, une grosse heure de route toujours le long de l’Elbe et nous arrivons déjà à Prague. La ville nous offre un spot magnifique, doté d’une grande vue sur la ville, son château et sa Cathédrale Saint-Guy. La fraîcheur revient, la rue est calme, les filles peuvent jouer dans l’herbe et nous, contempler la capitale tchèque en sirotant une bière allemande.

Rechercher d’autres articles

  

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *