Mardi 28 juillet 2020. Orajõgi, Estonie. On y va ? On n’y va pas ? Depuis hier nous hésitons sur notre programme du jour et ce matin encore nous ne sommes pas arrêtés. Nous hésitons entre Riga, capitale de la Lettonie, et Ligatne, un sentier de randonnée au milieu d’une forêt où ours, loups, rennes, cerfs, élans, lynx,… vivent en semi-liberté. Pas vraiment un zoo, un refuge pour animaux sauvages. L’idée nous plaît, les Vertvanlife y sont allés et ils nous le recommandent, mais cela demande un certain détour. Finalement, ce sera la météo qui tranchera sans appel. Ligatne est sous la pluie toute la journée, Riga au soleil.
Un dernier tour de paddle pour Pierre pendant que les filles terminent de petit-déjeuner, et nous décollons. 1h30 de trajet. Rapidement, nous confirmons que l’Emile-Pat fait un bruit anormal. Depuis la Finlande nous l’avions remarqué mais il n’était présent que de temps en temps en tendant l’oreille. Pierre imagine que c’est un bruit de roulement, mais nous ne connaissons rien en mécanique, nous étions inquiets. Nous avons prié pour ne pas avoir à faire une pause mécanique en Finlande. Maintenant que nous passons la frontière lettone, nous sommes assurés d’avoir de meilleurs prix. Aujourd’hui, plus de doute, ce bruit de frottement est bien trop présent, j’étudie les garages de la capitale. Si jamais l’un d’entre eux pouvait nous réparer ça pendant que nous visitons la ville, ce pourrait être parfait. Et s’il faut rester ici trois ou quatre jours, nous aurons de quoi nous occuper. J’en trouve un qui fait les camionnettes. Tentons.
Aвтосервис
Ici, personne ne parle anglais. La langue de travail, c’est le russe. Avec le traducteur Pierre arrive à se faire comprendre. L’homme lui dit d’abord qu’il n’a personne pour s’occuper de nous. « OK, où pouvons-nous aller ? ». Il a du comprendre que ce bruit indescriptible n’était pas une lubie et que nous étions décidés à faire faire une réparation. Sans nous expliquer, l’homme passe un coup de fil. Cinq personnes arrivent au compte goutte. Dont une, la plus jeune, qui parle anglais, ouf. D’un seul coup l’un d’eux se met précipitamment au volant, démarre et part tester l’engin. Avec les filles, nous sommes à l’arrière, l’homme à l’antipathique physique russe ne nous prévient pas, il ne nous a même pas salué. Moi, je comprends qu’il a besoin d’entendre le bruit, mais Solène est morte de trouille.
Je tente d’attacher mes filles pendant que le mécano fait des zigzags sur la petite route de la zone artisanale. Puis j’arrive à m’asseoir à ma place. « Listen, this is the noise ». C’est bon, le bruit est identifié. L’homme ressort aussi vite qu’il est rentré. Puis nous lève l’Emile-Pat par la droite, puis par la gauche,… « Voulez-vous que l’on sorte ? ». Non non, nous fait-on. Le verdict tombe. Les roulements sont à changer, des deux côtés. Pierre a eu du pif, c’était bien les roulements. On nous annonce un prix et on nous propose de nous le faire demain matin 9h. Mais c’est parfait ça !
Moi aussi j’ai eu du pif à choisir ce garage. « Vous pouvez roulez », nous dit-on en anglais, « mais vous ne pouvez pas rentrer en France ! ». Rendez-vous demain, nous pourrons dormir ici. C’est de toute façon la seule solution pour pouvoir espérer arriver à lever les filles pour libérer le camion à 9h du matin. Et Pierre nous annonce de suite qu’il restera demain avec son véhicule car derrière les roulements, les mécaniciens peuvent trouver d’autres pièces à changer. Il veut être là. Quand à moi, j’ai vérifié. Il y a un arrêt de bus à cinq minutes de marche, nous irons en ville entre nanas. D’ailleurs, en ville, nous y allons dès maintenant. Nous nous y promènerons cet après-midi avec Pierre pour qu’il puisse en profiter un peu.
Art nouveau
Pierre a choisi, pour lui ce sera quartier art nouveau et bazar. Il charge sa Soso sur le dos et nous marchons. Ho pas bien loin, le centre ville n’est pas immense. Nous arrivons bien vite dans la ville neuve où alternent ruines défraîchies et immeubles rénovés. Et quand les maisons sont rénovées, elles sont fichtrement belles. Avec Lison, nous sortons nos crayons. Une naïade par-ci, un sphinx par là. Le Jugenstil… Nous y voilà ! Ce style architectural ornementé, allégorique et sinueux fit fureur en Europe au début du 20e siècle. Romantisme, symbolisme, inspiration égyptienne, grecque, maniérisme,… se voisinent de bâtiment en bâtiment.
Indépendance lettone
Poursuivons notre chemin, direction le monument de la liberté, « la mère de la Lettonie » est-il écrit au pied de la colonne, 42 mètres de haut, construit avec les dons de la population en 1935, pour commémorer les soldats morts lors de la guerre d’Indépendance du pays (1918 – 1920).
Les trois étoiles dorées portées du bout des doigts symbolisent les trois régions historiques de la Lettonie. Alors sous domination militaire allemande en 1918, l’effondrement de celle-ci par la défaite de la première guerre mondiale laisse le champ relativement libre aux troupes bolchéviques russes et lettones pour occuper la Lettonie. Ce fut donc une lutte entre rouges, blancs, corps francs allemands et troupes germano-baltes, lettons et leurs alliés.
La vieille ville
Pas loin, caché derrière les arbres du parc, l’imposante cathédrale orthodoxe se dresse fièrement. Et puis nos pérégrinations continuent et nous nous enfonçons dans la vieille ville, Vecrigas en letton. L’église Saint Pierre toute de vieilles briquettes roses, derrière quelques immeubles en briquettes modernes. Plus loin, la façade de la maison des têtes noires, comme à Tallinn, la confrérie des commerçants célibataires. Le bâtiment original date de 1344 mais la façade a été remaniée plusieurs fois et la version actuelle a date la fin du XVIe siècle. Briques rouges, style renaissance flamande, « maniérisme du Nord », avec des pignons ornés de volutes et d’obélisques. Mais son histoire ne s’arrête pas là. La maison des têtes noires a été totalement détruite en 1941 par un bombardement allemand durant la Seconde Guerre mondiale. La paix revenue, les autorités soviétiques dynamitèrent les ruines restantes en 1948 et les remplacèrent par un jardin. Ce n’est qu’en 1995 que l’on décida la reconstruction à l’identique de l’édifice d’après des gravures et des plans.
Une pause goûter dans un petit café où l’on vend aussi de l’artisanat local. Et nous partons voir ces fameuses halles, celles dont tout le monde nous parle. Cinq immenses hangars où l’on fabriquait des zeppelins, ces ballons dirigeables, ont été reconvertis en marché. Et comme il y a énormément de petits vendeurs, les étales sont même installées dehors. Un super marché, un vrai. Mais nous y arrivons juste après 18h, les halles ont fermé leurs portes pour aujourd’hui. Un petit tour autour, au milieu des vendeurs de myrtilles et de champignons. Ha ha ha, on s’en goinfre déjà depuis deux semaines. Et nous rentrons. Nous aurons bien marché aujourd’hui.
Comme prévu, notre spot du soir sera au garage. Nous en avons fait des spots affreux, mais celui-ci atteint des sommets. Et comme si l’environnement de voitures éventrées ne suffisait pas, une aération se met à fonctionner bruyamment pendant cinq minutes toute les demi-heures. Sans compter les innombrables voitures qui passent dans la cour. Mais pourquoi ? Heureusement à 23h, le portail nous enferme à l’intérieur, les mouvements se calment. Pas l’aspirateur géant.
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