Mardi 7 juillet 2020. Teiči, Lettonie. La routine quotidienne. Pain chaud. École. Et enfants qui jouent dehors. Quand on est deux familles, beaucoup de choses deviennent plus simples. Faire l’école notamment. Partager la préparation des repas également. Et quand il manque un ingrédient, on va le chercher chez les voisins. Je crois que l’on a facilement trouvé notre équilibre ensemble.
Teiču dabas rezervāts
Laura notre guide nous rejoint à 11h comme prévu. Elle est fraîche et enjouée de nous rencontrer. Très vite, avant même de rentrer dans la réserve, elle nous présente les plantes sauvages comestibles que l’ on trouve autour de nous. Reine des prés. Brunelle. Bouillon noir. Origan. Évidemment, avec Séverine, nous adorons. Notre guide nous alerte aussi sur la Berce du Caucase, cette ombélifère géante dont la sève épandue sur la peau et exposée au soleil provoque de graves brûlures. Elle se développe ici depuis plusieurs années et est considérée comme une plante invasive.
Et puis quelques centaines de mètres plus tard, nous accédons aux passerelles, non sans consignes : interdiction d’en descendre. D’abord pour préserver la flore, mais aussi car l’on pourrait s’enfoncer tout entier dans la mousse.
S’enfoncer ? Oui. Dans son histoire, cette tourbière a déjà mangé un gros camion. Ok, on va rester sur les passerelles. Pendant l’occupation soviétique, on a souhaité exploiter la tourbe pour chauffer les maisons, pour les isoler, et aussi pour fertiliser les potagers. Des aménagements, fossés et digues, ont été réalisés pour assécher le marais. Une route à commencé à être construite pour traverser la zone et s’en épargner le contournement. Mais quand ce camion transportant du sable s’est enlisé, enfoncé dans l’épaisseur du marécage, le projet a été stoppé.
La réserve naturelle a été créée dans les années 1980 et il aura fallu 40 ans pour que la tourbière retrouve totalement sous aspect naturel. La mousse pousse de 2 cm par ans au dessus de celle de l’année précédente. À ce rythme, les 7 à 9 mètres d’épaisseur de tourbe ont près de 12 000 ans. Des mousses, il y en a 200 espèces différentes ici. Notre guide, descendant de la passerelle, nous montre comme le tapis de tourbe est mouvant. Elle saute dessus et le sol fait des vagues à la manière d’une Jelly british.
Ce qui est remarquable aussi, ce sont ces petits pins rabougris. Ces arbres ont poussé ici sans avoir vraiment de racine, car dans la mousse, l’eau est acide et imbuvable pour eux. Les pins de marais se nourrissent exclusivement de l’eau de pluie et de brouillard qui se dépose sur leurs épines. Ils poussent extrêmement lentement. Un pin haut comme moi a une centaine d’années. Il faut un microscope pour compter les cercles concentriques de la coupe de leurs troncs.
La faune de la tourbière
Et puis ici vivent aussi ces canards, ces aigles et ces grues que nous ne verrons pas, paisiblement planqués loin des humains. Par contre, nous croiserons un gros serpent tranquillement enroulé sur un pied de passerelle. Une vipère, une venimeuse très dangereuse, nous alerte notre guide. L’animal est plus effrayé que nous et se carapate plus loin. Dans la réserve, les guides ont installé des caméras pour observer les aigles et retransmettent leurs images sur leur site. Pendant le confinement, beaucoup plus de gens que d’habitude se sont connectés au site pour regarder les œufs éclore et les petits évoluer.
Après la tourbière, la forêt de pins et son tapis de myrtilles. Ici, la récolte est interdite, tout comme la pêche dans les 19 lacs de la réserve. Les poissons y sont paraît-il hyper nombreux. Seule la récolte des canneberges est autorisée, 4 jours par an à l’automne, et sur autorisation, seulement pour les habitants des villages alentours.
Avec tous ces arrêts pédagogiques, nous aurons mis deux heures à parcourir les trois kilomètres du tour.
Nous saluons chaleureusement notre guide qui insiste pour que nous la rappelions si nous avons besoin de quoi que ce soit en Lettonie, très heureuse elle aussi de revoir des touristes et des familles qui s’intéressent à cette réserve un peu excentrée des circuits habituels. Il est 13h, mais le repas est prêt. Et pendant que les hommes font la vaisselle et replient le campement, avec Séverine nous nous échappons pour une petite cueillette sauvage. Nous retrouvons les plantes que notre guide nous avait montrées. Et nous découvrons aussi quelques variétés de pois. Dont la gesse des bois, avec ses magnifiques jolies fleurs roses au bon goût de petits pois frais. Quelle merveille.
Ce soir, j’ai du saumon cuisiné à la lettone, ça l’accompagnera parfaitement. Des jeunes pousses d’achillée millefeuilles pour relever le tout. Nous devenons des chefs en matière de cuisine sauvage !
Le spot de ce soir est une jolie plage de village, au bord du lac d’Alūksnes, juste avant le camping municipal que nous narguons allègrement. Le temps est couvert mais doux. Les enfants se racontent des histoires dans un bac à sable. Le paddle est de sortie. Qu’il est bon de filer sur les flots.
Les autres tourbières à explorer en Europe
Ce voyage nous a permis de faire halte dans de nombreuses tourbières dans les pays baltes. Un petit bain dans marais de Soomaa en Estonie, une promenade sur les passerelles de la tourbière de Kemeri en Lettonie.
Les surfaces des zones humides se sont réduites à peau de chagrin en France ; nous avons pu explorer la tourbière des Rauzes en Aveyron.
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