Dimanche 19 avril 2020, J282. Snagov, Roumanie. C’est une nouvelle journée, au pays des jouets ! me dit Pierre presque tous les matins. Il veut voir la vie du bon côté. Les enfants jouent dans une maison pleine de jouets, font l’école, sont ensemble, bricolent, inventent,… Nous sommes en sécurité, nous ne manquons de rien, nous partageons ce moment d’enfermement avec des gens qui sont maintenant devenus des amis. Comment ne pas aller bien ? Les jours passent mais pas ma tristesse. Je n’arrive pas à me détacher de cet état émotionnel qui m’a envahi, et je n’en ai pas envie.
J’accepte la vague de mélancolie puisqu’elle est là. Comment pourrais-je me forcer à être heureuse alors que je n’ai pas d’autres perspectives que de stopper notre grand voyage aux deux tiers, et de rentrer chez nous ? Je l’explique à Pierre, puis aux filles. Du haut de leur jeune âge, elles sont capables de comprendre mes sentiments ambivalents, pourvu que l’on se parle à cœur ouvert et avec des mots simples et justes. Alors, elles redoublent de tendresse. Et de joie aussi. Elles ont plein de projets, elles, et elles comptent bien profiter d’être ici pour continuer leur découverte du monde avec les moyens que nous avons.
Jeudi, Capucine découvre une application web qui permet aux enfants de découvrir le codage informatique et de créer ses propres jeux vidéos. Elle qui adore créer des jeux, elle s’y aventure d’abord seule, puis embarque vite son Papa avec elle. Ensemble, ils inventent un jeu où il faut sauver une licorne qui risque de se faire attraper par un dragon qui veut la dévorer. De mon côté, j’organise un atelier peinture à la paille, en faisant des bulles de peinture, en soufflant sur des gouttes de peinture,… mais rien de marche, un véritable échec.
Vendredi est un jour de mission ravitaillement. Moi qui pensait tenir deux semaines, c’est raté, nous n’avons plus de lait. Mais cette fois-ci, je passe mon tour. Pierre se fait une joie de sortir pour la première fois depuis trois semaines.
Cet après-midi, il fait très beau et chaud. Pas encore pour ouvrir la piscine, mais suffisamment pour sortir une petite piscine gonflable. Et il n’en faut pas plus pour réjouir petites coquillettes et grandes nouilles qui se serrent toutes les quatre dans cette petite pataugeoire. Ils ont raison nos enfants, il en faut peu pour être heureux. Un verre de Viscinata à la main, un apéro genre de ratafia aveyronnais à la roumaine, c’est fou le nombre de similitudes entre nos deux pays si éloignés, les parents s’amusent de la situation somme toute bien agréable pour un confinement. Samedi ne sera pas autrement. Soleil, pataugeoire et grataz en terrasse.
Pâques chez les orthodoxes
Fêter la Pâques orthodoxe, en confinement, se résume comme pour la Pâques catholique, à faire un beau repas et à regarder la messe à la télévision. Alors, nous avons regardé la procession de la veillée pascale et le lendemain, nous avons refait un beau repas.
Préparation
Samedi sera aussi une journée de préparation de Pâques.
Habituellement, Laura et Gaël partagent cette fête en famille et la maman de Laura s’occupe de tout, agneau, pâtisserie et surtout… œufs de Pâques traditionnels. Habituellement, lors de la procession de la veillée pascale, les fidèles reçoivent des cierges qu’ils viennent allumer dans l’église plongée dans l’obscurité. Le prêtre apparaît muni d’une bougie puis fait passer la bougie de main en main pour allumer tous les cierges.
Chacun rentre ensuite chez soi avec la lumière en une belle procession dans tout le village. Cette année, la fête est à inventer avec les moyens du bord.
Avant hier, le ministre de l’Intérieur roumain a annoncé que les fidèles pourraient aller à la messe, qu’il s’était entendu avec l’Eglise orthodoxe pour que les traditions puissent être respectées. Hier, le président roumain était à son tour intervenu “Si vous allez à la messe dimanche, il y aura des enterrement les semaines à venir”. “C’est normal, commente Laura, c’est une coalition qui gouverne, et ils ne se parlent pas entre eux.” Ici aussi la classe politique n’est pas très estimée. Quoi qu’il en soit, les fidèles n’iront pas à la messe dimanche et c’est encore aux policiers locaux qu’il revient la tâche d’amener la lumière de Pâques jusque dans les chaumières. La semaine dernière ils nous faisaient les courses, ils servent à tous ces policiers.
En ce qui concerne les traditions familiales, Laura a commandé des Cozonac, genre de brioches marbrées à la pâte de noix. Gaël et Pierre ont trouvé cette fois-ci un gigot d’agneau sans la tête. Merci. Et des œufs à la coquille blanche afin que nous puissions les colorer à la manière traditionnelle. Mais ça, Laura ne l’a jamais fait alors c’est l’aventure pour elle, à laquelle je me joins avec grand plaisir.
Colorer les œufs de Pâques dans la tradition roumaine
Etape 1 : Trouver de jolies petites feuilles dans le jardin. Persil, fenouil, rosier, cyprès, framboisier,…
Etape 2 : Tenter de les coincer entre un œuf et un vieux bas.
Etape 3 : Faire bouillir les œufs ainsi habillés dans un bain de pelures d’oignons, si si. C’est pas très glamour pour l’instant. Et les laisser tremper dans leur jus de chaussettes toute la nuit. Ne vous inquiétez pas.
Etape 4 : Déshabiller les œufs et, parfois, sur certains œufs où la chaussette était bien serrée, contempler comme la coquille a pris une couleur brune-rouille laissant l’ombre de la feuille apparaître. Magnifique.
Pendant tout ce temps, le gigot a tranquillement cuit dans le four pendant 7 heures. Voilà encore un beau repas de Pâques, en famille et en terrasse. Le deuxième en deux semaines. Il va falloir qu’on trouve quelque chose de nouveau à fêter dimanche prochain… (C’est quand la fin du ramadan ?)
Hier, j’ai retrouvé deux carnets de croquis à coloriser à l’aquarelle. Je me souvenais que j’avais fait des dessins à Nauplie, Florence, Kotor… Je les ai retrouvés au fond de mon minuscule placard de fringues ! Comme quoi, les miracles existent.
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