Vendredi 20 mars 2020. J252. Cheile Dobrogei, Roumanie. Des petits coquins nous donnent le sourire ce matin. Des chiens de prairie, sorte de rongeurs à la mignonne tête d’écureuil, pointent le museau de leurs trous et nous font le spectacle. Cachés à l’intérieur de notre véhicule, ils ne nous remarquent pas. Ils sont nombreux dans cette grande prairie, et font leur train librement.
L’école se fait tranquillement ce matin. Depuis que nous avons raccroché Capucine au travail de sa classe pour les maths, l’ambiance est plus sereine. On attend maintenant les corrections de la maîtresse et si il y a des erreurs, elle les résoudra en appelant son copain Étienne. Nous voilà presque déchargés de la tâche et c’est un plaisir.
Gorges de Dobrogea
L’école vite faite, le pique-nique dans le sac à dos, nous partons explorer ces gorges qui nous ont servi de cocon pour la nuit. Nous escaladons vite les petites falaises et nous perdons sur les hauteurs. Là, une multitude de fleurs pointent leurs fragiles pétales. Un faucon crécerelle nous sermonne de son cri strident. Nous trouvons un petit coin caché tout en haut, à l’abri du vent, au dessus de l’Emile-Pat. C’est amusant.
La mer noire
Une nouvelle petite heure de route. Dans le sud de la Roumanie où nous nous trouvons, le soleil éclaire les paysages d’une manière bien particulière, comme à travers une brume blanche qui infuse les horizons plats. Nous rejoignons le bord de mer et longeons l’immense raffinerie de Pétromidia à l’odeur prenante. Passé l’usine, commence la réserve naturelle du Delta du Danube. Si si. Étonnant voisinage. Nous atteignons la mer noire avec une certaine émotion. À l’origine, notre itinéraire avait sacrifié ce détour pour économiser des kilomètres et monter plus vite vers le nord. La crise coronavirus nous amenant à rester plus longtemps en Roumanie, nous faisons le crochet. Une chance. Voir la mer noire est quelque chose d’assez émouvant. Une mer, fermée. Une mer, presque pas salée.
Objet de convoitise depuis l’antiquité, la mer noire a intrigué les navigateurs qui lui ont donné mille noms. Mer de Scythie pour les grecs anciens. Mer indigo pour les Scythes. Mer hospitalière et mer fermée pour les grecs et les romains. Mer grande pour les génois. Au XVème siècle, les Ottomans attribuaient une couleur à chaque point cardinal et l’ont nommée “Karadeniz”, Mer noire. Est-ce à cause des algues noires qui tapissent ses eaux profondes ? À son approche, la plaine se stoppe brusquement en une falaise de sable. En bas, la plage de Corbu, l’une des rares plages sauvages de la côte roumaine. Une belle et grande plage, nos navigatrices s’empressent de débarquer. Deuxième balade de la journée.
Rapana venosa ou murex
L’endroit est fréquenté également, mais la plage est si grande que chacun se promène loin des autres. Ce qui attire notre attention immédiatement, ce sont ces milliers de petits nasses, coques, lavagnons, moules, pétoncles, tellines et surtout ces gros Rapana venosa,…
Le rapana venosa, ou murex, ou escargot de la mer noire, est un coquillage qui aurait été importé par mégarde, à l’état larvaire, par les eaux de ballast des navires provenant des mers de Chine. Il a rapidement peuplé la mer noire et est devenu le prédateur des moules et huîtres, puis est devenu lui-même prédaté par l’homme qui en fait sa consommation et lui attribue des vertus aphrodisiaques (une rumeur, pour en commercialiser davantage ?).
Une plage presque entièrement recouverte de coquillages. Les filles trouvent ça génial. Nous, nous trouvons ça louche. Une hécatombe ? Avec Capucine, nous nous amusons à trouver le plus gros, le plus beau. Pas question d’en ramener 15 chacun ! Solène, elle, s’est arrêtée sur un coin de sable fin et se passionne pour le remplissage de sable d’une carafe en plastique. Elle verse, et remplit de nouveau. Sans fin. Toute seule dans son coin. Lison et Pierre ont pris deux raquettes en bois et une balle. Ils essaient de se faire plus de deux passes. Lison court partout, elle avait besoin de se dépenser.
Impossible de dormir sur le parking de plage, l’endroit est planté d’un énorme panneau indiquant dans un roumain parfaitement compréhensible que le stationnement de nuit est interdit. Nous remontons au sommet de la falaise de sable, et plaçons le salon face à la mer. Si l’on regarde au dessus du premier plan de lingettes, la vue est très belle. Ici, malgré le classement en réserve naturelle, les déchets sont omniprésents, cachés partout dans le paysage. Une plaie. De l’autre côté de notre maison, le soleil se couche sur une plaine toujours aussi plate.
Du côté de nos amis des Vert Vanlife, leur champ est en quelque sorte devenu une drôle de piste de cirque. Voilà que la télévision bulgare a débarqué et qu’ils font la une du JT national…
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